Photographie: promenade des villes, promenade des champs
En ce mois d’août, deux merveilleuses occasions de faire des découvertes. En point de mire, le patrimoine belge et des auteurs photographes de qualité. Ça se passe à Gand et à Marchin.
Publié le 31-07-2015 à 20h59 - Mis à jour le 01-08-2015 à 08h32
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Que ce soit à Gand ou à Marchin, l’idée au centre des festivals photographiques d’été est simple : donner au public l’opportunité de découvrir sous une thématique précise des travaux d’auteurs de qualité tout en parcourant un patrimoine peu ou pas connu. Dans les deux cas, le pari est amplement réussi avec un bel équilibre entre lieux inattendus et images inédites.
Lieux inattendus comme ce somptueux hôtel particulier d’Hane-Steenhuyse que même bon nombre de Gantois ne connaissent pas, comme ce château de Theux ignoré trois villages plus loin ou comme… l’abri de jardin de madame Balthazar à Goesnes. Images inédites, essentiellement d’artistes dont la renommée n’a pas encore atteint le grand public, mais qu’il faut découvrir sans attendre.
Alors, entre le parcours urbain dans la plus belle ville de Belgique (selon les Gantois, mais pas seulement) et la balade champêtre dans deux superbes villages du Condroz, il ne faut pas choisir, mais se réserver du temps en ce mois d’août pour visiter les deux !
L'identité, à Gand
La toute nouvelle biennale photographique d’été qui se déroule jusqu’à la fin de ce mois à Gand s’intitule "80 Days of Summer". Tout simple, comme son menu d’ailleurs : avec un seul billet, on peut visiter dix endroits et ainsi voir le travail d’une trentaine de photographes. L’initiative a été prise par le service Historische Huizen Gent qui gère depuis 2010 un certain nombre des sites historiques tels que l’emblématique Beffroi ou l’Abbaye Saint-Pierre. Le festival s’appuie sur l’expertise de cette dernière en matière de synergie entre patrimoine et expositions de qualité.
Scotché
Le thème de cet été photographique est l’identité, sa construction et sa quête. Il se décline tout aussi bien sous forme de reportages que de portraits ou d’évocations poétiques.
À l’Abbaye Saint-Pierre précisément, les propositions sont surtout celles de neuf jeunes auteurs comme Iveta Vaivode, Joakim Eskildsen assez logiquement tournés vers ce qui les entourent avec plus ou moins d’inventivité formelle. Cependant, on ne peut qu’être scotché par le travail introspectif de l’Américaine Jen Davis. Un long reportage en forme d’autoportrait sur son obésité. Ni larmoyant, ni distant, tout simplement admirable de courage et de lucidité.
Si les 6 photographies exposées à l’entrée du musée Arnold Vander Haeghen sont à peine une esquisse d’exposition, le détour par la Veldstraat vaut néanmoins vraiment la peine pour la visite de l’Hôtel d’Hane-Steenhuyse. Dans le décor bluffant et très peu connu de cette riche demeure, outre les regards absents saisis par Niclas Jesse à la façon de Chantal Maes, on suit avec plaisir, tel un jeu de piste, les imbrications in situ des portraits classieux d’Erwin Olaf.
Au Beffroi, on pourrait s’attendre au pire dans la salle d’accueil encombrée de tout ce que nécessite le tourisme de masse. En fait, c’est un régal de voir comment Jacques Sonck s’en est tiré avec une scénographie qui force le regard en hauteur et qui l’y retient avec un jeu de symétries entre ses excellentes images.
Bien entendu, comme d’habitude, la proposition au Musée Docteur Guislain est des plus pertinentes avec une exposition collective où l’on retrouve le gratin de la photographie flamande actuelle et une autre consacrée aux portraits de patients en psychiatrie.
Tant qu’à faire, après la petite exposition de photos au format "cartes de visites" du XIXe siècle à l’Amsab-ISG, pourquoi ne pas faire une halte tout à côté à la nouvelle terrasse du mythique Vooruit. The place to be !
"Stories of Identity", première édition du festival "80 Days of Summer". Gand, Abbaye Saint-Pierre, Sint-Pietersplein, 9. Jusqu’au 30 août 2015. Expositions ouvertes du mardi au dimanche, de 10h à 19h. Rens. : www.80daysofsummer.be
Au plaisir, à Marchin
Dans les villages de Marchin et de Goesnes, distants de 4 kilomètres, la promenade photographique de ces week-ends d’août passe entre autres par le jardin de Madame de Fays, la grange de Madame Hallet et le fenil de Monsieur Valange. On est à la campagne et le festival se la joue champêtre, tout en légèreté.
Gaîté douce
Cette année, l’intitulé "Au plaisir" donne le ton exact d’une biennale par ailleurs enjouée depuis ses débuts en 2003. Enjouée d’un point de vue photographique, mais aussi par des propositions festives diverses qui mettent de bonne humeur. C’est particulièrement le cas au Centre culturel. Une première salve d’expositions permet en effet d’y découvrir les regards décalés de Chris Keulen et de Luc Rabaey, les arrêts sur images de films d’amateurs proposés par le CNA de Dudelange tout aussi bien que les vues nostalgiques en noir et blanc de Brigitte Grignet. En même temps, au bistro adjacent, l’exposition collective "Les plaisirs de la table" annonce l’innovation de cette édition "plaisir" : un repas préparé chaque dimanche par des restaurateurs du coin avec des produits locaux.
Enjoué disait-on. Comment qualifier autrement la déambulation dans de magnifiques jardins à la recherche des clichés de Sébastien Fayard ? Cela pour jouer, comme il est proposé, à trouver la bonne légende des rébus visuels qu’il a mis en scène. Où l’on voit l’artiste déguisé en danseur aller "faire des pointes sur l’autoroute" ou encore, pointant une paire de jumelles sur l’immeuble de Belgacom pour "surveiller sa ligne"…
L’enjouement, s’il est un badinage léger peut être également une gaîté douce comme celle qui imprègne les images de la vie au quotidien selon le Québécois Bertrand Carrière. Sa série Le Capteur présentée à l’étage de la ferme de l’Aître annonce un bien beau livre à paraître cet automne. Sa "traque paisible des petits instants marginaux et savoureux" fait écho à ce que Matthieu Marre consigne en noir et blanc de sa vie de famille. Le ton y est différent certes, mais pas la mélodie que l’on retrouve aussi, avec une même approche de l’intime, dans les séries de Stéphanie Petitjean et de Sarah Joveneau ou celle encore de Joseph Charroy joliment présentée à l’abri de jardin de madame Balthazar.
Tout ceci sans oublier au Musée Héritage un aperçu de la remarquable collection de photos anonymes de Michel F.David dont provient l’image emblématique savoureuse (voir ci-contre) de cette édition très réussie des Promenades photographiques en Condroz.
"Au plaisir", 7e édition des Promenades photographiques en Condroz. Marchin, place de Grand-Marchin, 4. Du samedi 1er août au dimanche 30 août 2015. Expositions ouvertes les samedis et dimanches, de 10h à 19h. Rens. : www.biennaledephotographie.be