A Bilbao, Jeff Koons lave plus blanc
Une présentation sans effets ni redondances, qui offre à l’artiste américain une mise en abyme ludique et idéale.
Publié le 02-08-2015 à 16h34 - Mis à jour le 03-08-2015 à 07h56
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Tout au long d’un livre passionnant (1), parce que révélateur et fourmillant de détails, bel objet sur le devant duquel l’on voit un Koons tout sourire, homard monumental, rouge et jaune, sous le bras, Norman Rosenthal pose à l’artiste les bonnes questions.
L’exposition du Guggenheim proposant un ensemble des œuvres d’un parcours de 40 ans, montré au Centre Pompidou l’an dernier mais corrigé et, surtout, éclairé, dynamisé par les espaces ouverts du bâtiment de Gehry, nous ne reviendrons pas sur des travaux qui ont valu à Koons de devenir l’artiste le plus cher au monde.
Insistons cependant sur une présentation sans effets ni redondances, qui offre à l’artiste américain (York, Pennsylvanie, 1955) une mise en abyme ludique, idéale. Nous avions eu la même sensation lors de l’expo Koons de la Fondation Beyeler en 2012.
Un air du temps
"Tout est affaire de décor", chantait Léo Ferré et il est patent que si la scénographie d’une exposition peut tuer ou valoriser un artiste, celle-ci l’auréole d’une espèce de logique révélatrice de l’époque qui l’a vu naître.
Tout s’y trouve au gré d’un déroulé chronologique sans temps morts ni redites. Des "Inflatables" de 1976 aux "Pre-New" de trois ans plus tard, des aspirateurs et cireuses sous plexi et tubes fluorescents du début des années 80 à sa série "Equilibrium", de "Luxury and Degradation" de 1986 à sa statuaire "banale" ou "brillante". Ou, plus récent, de ses interventions publiques à la série "Made in Heaven" super-sexuée, sans oublier le reste, de "Puppy" à "Popeye" ou "Hulk Elvis", objets et peintures.
Présent au vernissage, Koons arborait avec simplicité, mais oui, une dégaine certes américaine mais aussi une amabilité et, plus encore, une disponibilité qui forcent la sympathie. Ce n’était là, de sa part, ni feinte, ni outrecuidance commerciale.
Histoire de l’art
Koons connaît ses classiques, les maîtres du passé et les plus actuels. Et il réfléchit sur son art comme il réfléchit le monde. Point pour autant de discours dans son art. Point non plus d’arrogance, ni la moindre intention d’être le révélateur d’une époque. L’Histoire de l’art aura sans cesse agité sa conscience, l’aura aidé à cerner son credo artistique autour d’un pari peut-être simpliste mais bien réel : donner du bonheur aux autres en se faisant plaisir.
Ayant grandi à une époque de prolifération de biens, élevé dans l’amour du design ajusté, ayant digéré le Pop Art, regard critique sur l’emprise de la consommation, Koons a, pour sa part, meublé sa propre création d’objets de rêve quand l’Américain aspirait aux luxuriances, aux postures qui miroitent.
Clichés et vacuités du quotidien, aspirations ludiques pour grands enfants, Koons, qui avoue avoir toujours voulu être artiste, a pris le pli d’un art rayonnant, fût-ce à bon compte. A Rosenthal, mais tout y donne matière à réflexion, Koons avoue : "En tant qu’être humain, j’aspire à communiquer. J’aimerais toucher tout le monde, mais en ce qui me concerne, ça se limite à réaliser mes œuvres en espérant qu’elles parlent aux gens, qu’elles soient ouvertes, communicatives." Et parfaites.
(1) "Jeff Koons", Flammarion 2014, 300 pp. illustrées en couleurs, environ 28 €.
Guggenheim, Bilbao. Jusqu’au 27 septembre. Catalogue illustré, Editions Centre Pompidou, 311 pp. Infos : www.guggenheim-bilbao.es