La Fondation Vuitton, pop et festive
Troisième accrochage de la collection Vuitton (Arnault). Très réussi, ironique, méditatif.
Publié le 04-08-2015 à 17h18 - Mis à jour le 05-08-2015 à 07h20
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La Fondation Vuitton à Paris, le grand vaisseau de verre de Frank Gehry, connaît un beau succès. Elle dépassera allègrement le million de visiteurs pour sa première année. On peut maintenant découvrir le troisième accrochage de la collection propre de la Fondation, qui se confond souvent avec celle de Bernard Arnault.
Après les volets "expressionniste" et "contemplatif" (avec les si beaux Polke), après les expos à grand succès d’Olafur Eliasson et "Clefs d’une passion" (rien que des chefs-d’œuvre), voilà le troisième et dernier volet de la collection rangé sous l’appellation : "popiste" et "musique". Il est particulièrement réjouissant, ironique, branché sur le monde contemporain mais aussi méditatif dans sa partie "musique".
"Popiste" est un néologisme de Suzanne Pagé, la directrice de la Fondation, pour désigner le courant du pop art et ses avatars qui ont placé la consommation courante au centre de leur art, non pas pour la magnifier mais pour la questionner, cassant par le fait même l’idée que seuls des sujets "nobles" peuvent faire art.
Warhol superstar
On retrouve donc naturellement dans cet accrochage, le pape du pop art, Andy Warhol, avec des ensembles formidables, surtout une série d’autoportraits célèbres, depuis celui avec lunettes noires de gangster de 1963 jusqu’à son autoportrait de 1986, quasi posthume, cheveux hérissés, fond mauve et air de chaman. On y trouve aussi les séries de sérigraphies sur "Dix Juifs du XXe siècle" et "Ladies and Gentlemen".
Un moment savoureux est le montage vidéo de l’artiste suisse né en Californie, Christian Marclay, le maître du "sampling" de films. Il s’empare de milliers de films célèbres pour en extraire de courts passages et les réassembler dans des films formidables, comme "The Clock" où pendant vingt-quatre heures on peut voir des acteurs regarder leur montre ou l’horloge qui donnent exactement l’heure que le spectateur vit lui-même. Un travail de Titan.
Gilbert and George
Au Vuitton, on peut voir "Crossfire" : on pénètre dans une petite salle aux murs capitonnés et on est pris d’emblée, via quatre écrans qui nous entourent, sous les tirs croisés et nourris de soldats et bandits qui ne cessent de nous canarder dans un bruit assourdissant. Les balles crépitent, les revolvers et mitrailleuses de tous genres se succèdent. C’est assourdissant et hilarant.
Il y a bien d’autres pépites, comme l’immense triptyque de Gilbert and George de 1986, quand le duo britannique était à son meilleur, face aux tout aussi immenses photographies d’Andreas Gurski faisant de ravitaillements de courses de Formule 1, un ballet sublime.
Ecouter les métronomes
Basquiat y montre des œuvres magnifiques. Richard Prince, Bertrand Lavier, Parreno sont là judicieusement. Côté musique, une vidéo d’Ulla von Brandenburg est un moment mystique où des personnages dans la campagne bougent lentement au son de chœurs moyenâgeux. Sur deux grands écrans, Douglas Gordon rend hommage à la fois aux Juifs de Pologne et à Mozart.
Cet accrochage plein de surprises, passe ainsi de l’ironie au silence méditatif proposé par Marina Abramovic qui nous invite à nous reposer dans des transats en écoutant le battement obsédant de métronomes.
Une vidéo exprime bien ce monde, celle de l’Espagnole Pilar Albarracín qui se filme comme une star ou une ministre en représentation dans les rues de Madrid, escortée par une fanfare bruyante. Quand excédée, effrayée, elle cherche à fuir ce monde, la fanfare la poursuit comme le bruit qui perpétuellement, nous entoure.
Fondation Vuitton : accrochage 3, "Pop et Musique" jusqu’à fin octobre.