Plonger dans la Factory de Warhol

Au Pompidou-Metz, le Warhol qui bouleversa la musique, le cinéma, la danse. Jouissif.

Guy Duplat, Envoyé spécial à Metz
Plonger dans la Factory de Warhol

Dès le premier espace de l’exposition, on s’y croirait. Tous les murs sont recouverts de papier d’aluminium comme des miroirs géants, reproduisant les murs de la célèbre Silver Factory qu’Andy Warhol avait créée en 1964 à New York, sur la 47e Rue. Un atelier-phalanstère, une maison d’arts ouverte à tous, où chacun pouvait devenir, l’espace d’un moment, une "superstar" comme disait Warhol. "La Factory est sans doute la plus grande œuvre d’art de Warhol", disait le critique Dave Hickey.

Au mur, des dizaines de photos de Stephen Shore montrent l’atmosphère qui y régnait. On y voit Warhol lui-même avec sa perruque blonde platine, sa sexualité ambiguë, son regard sérieux de chaman des arts. Et autour de lui, une pléiade de jeunes : filles superbes, talents en herbe, look underground. Un vivier, un laboratoire incessant de création dirigé par le magicien Warhol.

Les Shadows

L’expo du Centre Pompidou-Metz fait déjà le plein de spectateurs. Warhol est plus que jamais une vedette populaire. On le vérifiera cet automne avec "Warhol unlimited" au musée d’Art moderne de Paris qui présentera entre autres la formidable série des 102 toiles "Shadows" qui fait la gloire du centre d’art Dia Bacon au-dessus de New York.

Le Pompidou-Metz aborde aussi la peinture avec des œuvres historiques comme la série des dix Liz Taylor tristes, celle des chaises électriques, les boîtes Brillo, les Campbell soups, la série Death and desaster. Grâce à la sérigraphie, Warhol peut multiplier les images et, comme Duchamp le lui faisait remarquer, en multipliant un motif, on transforme celui-ci en objet conceptuel.

Warhol s’empare des objets de consommation et montre qu’on peut en faire de l’art comme il s’empare de la mort ou des désastres rapportés par la presse, pour en vider le contenu tragique par la répétition.

Mais à Metz, l’essentiel n’est pas là. L’excellente Emma Lavigne, nouvelle directrice du Pompidou-Metz, commissaire de cette expo (comme elle le fut de la formidable expo à Paris sur danse et art) nous plonge dans les autres facettes du génie de Warhol : ses rapports à la musique, au cinéma, à la danse.

Répété 840 fois

Le cinéma, ce sont d’abord ses films interminables avec des plans fixes uniques, comme "Sleep" où il filma pendant plus de cinq heures le poète John Giorno dormant. Ou "Empire", un plan fixe de 6 heures sur la nuit tombant sur l’Empire State Building.

Warhol avait découvert la puissance de la répétition sans cesse du même, en écoutant en 1963 au Pocket Theater de New-York, "Vexations" d’Eric Satie : douze pianistes (dont John Cage et John Cale) devaient y jouer 840 fois de suite 180 notes. Le concert dura près de 19 heures non-stop et Warhol assista à tout : "J’ai commencé à répéter la même image, dira-t-il, parce que j’aimais la manière dont la répétition changeait cette image."

John Cage disait : "Andy s’est efforcé par la répétition de nous montrer qu’il n’y a pas vraiment de répétition, que tout ce que nous regardons est digne de notre attention. Cette donnée a été capitale pour le XXe siècle."

Touche-à-tout de génie, Warhol s’intéressa aussi à la danse contemporaine. Il disait : "Je n’ai jamais voulu être peintre, j’ai toujours voulu être danseur de claquettes." L’expo projette "Rain Forest" de Merce Cunningham (1968) dans le décor conçu par Warhol ("Silver Clouds"), reproduit dans la salle du Pompidou : des coussins argentés gonflés à l’hélium, flottant dans les airs.

Le Velvet

Le rapport à la musique est omniprésent et d’emblée, on entend la voix de Lou Reed et le Velvet Underground que Warhol rencontra il y a juste 50 ans. Une salle expose les pochettes de vinyles formidables, inventées par Warhol (on les retrouve aussi actuellement dans une expo aux Rencontres photographiques d’Arles). Comme "l’album à la banane" du Velvet et la braguette de Sticky Fingers des Rolling Stones. Warhol s’emparait de la consommation populaire pour faire de l’art et rendre cet art au plus grand nombre. On peut avoir un Warhol dans sa discothèque !

Il découvre le Velvet Underground en 1965 au café Bizarre grâce à Gerard Malanga. "Nous étions faits l’un pour l’autre, déclarait Lou Reed. Les sujets des chansons correspondaient parfaitement avec les sujets de ses films." La Silver Factory a offert au Velvet, un des groupes les plus influents de l’histoire du rock, à la fois un studio et une scène.

"Warhol Underground", au Pompidou-Metz, jusqu’au 23 novembre.

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