La Chine se métamorphose à Mons

L’art sculptural propose des images fortes d’une mutation identitaire réfléchie.

Claude Lorent
La Chine se métamorphose à Mons

Il est légitime de se demander pourquoi organiser une exposition sur la sculpture chinoise dans le cadre de Mons 2015. Certes, il y a eu l’histoire des pandas et la visite officielle chinoise. Histoire d’un prêté pour un rendu ? Il y a, comme le faisait remarquer Xavier Roland, responsable du pôle muséal montois, l’ouverture internationale des musées locaux avec Van Gogh, Warhol (USA) et maintenant la Chine.

Cependant c’est Fan Di’an, le commissaire chinois de l’exposition, qui a relevé deux points majeurs. D’une part, la participation aux manifestations de la ville capitale européenne de la culture est une vitrine exceptionnelle et prestigieuse pour la Chine. D’autre part, la ville de Mons, éminemment patrimoniale, est en pleine mutation sur tous les plans exactement comme l’est la Chine et particulièrement comme l’est l’art chinois actuel. Et cette comparaison sensée trouve un exemple de premier choix dans l’expo où les liens se tissent constamment entre le passé et le présent, entre la tradition et la modernité en marche, comme l’a souligné fort justement Michel Baudson, commissaire belge de la manifestation. La métamorphose est en route.

Des choix révélateurs

Depuis une petite vingtaine d’années, la Chine s’est ouverte progressivement aux formes d’expressions artistiques dites internationales. Quelques artistes ont été rapidement starisés et les expos n’ont pas manqué, entraînant une reconnaissance mondiale de cette émergence explosive comme un volcan. Le marché de l’art au plus haut degré s’est emparé rapidement de cet engouement chinois et occidental. L’étau national ne s’est pas pour autant totalement desserré, quelques artistes en faisant encore régulièrement les frais. Cette situation a mis à l’avant-plan quelques figures mercantilisées parfois à outrance et vedettes adulées.

L’un des très grands mérites de cette exposition est de ne pas s’être calquée sur cette option. Au contraire, sans ignorer des figures majeures comme Chen Zhen, Liu Wei ou Wang Du, elle est révélatrice de nombreuses démarches jusqu’ici pratiquement inconnues chez nous. De ce fait, elle nous ouvre les yeux sur une autre part de la création chinoise, celle qui précisément réfléchit et agit dans la transition, en observant les mutations, en y participant et en se questionnant sur ces nouvelles réalités en regard des traditions.

Cette voie a quelque chose d’une sagesse qui fera évoluer les esprits en profondeur sans heurts inutiles.

Osmose et conscience

En soulignant la qualité technique des œuvres et l’usage remarquable de matériaux traditionnels comme des technologies de pointe (voir impérativement l’animation 3D de Miao Xiaochun), on entre d’emblée dans le vif du sujet : se forger une identité nouvelle sans renier son passé. La présence du papier, du bois, des plantes médicinales, de pierres (rouges), de soie crue, également d’objets de consommation, de fibre de verre et de résine voire de PVC, de bronze… crée une sorte d’osmose entre les œuvres, entre hier, aujourd’hui et demain.

Penser l’avenir sans éradiquer les sources

Le second aspect primordial est mis en valeur par les thématiques abordées à partir du contenu des œuvres. L’abord du paysage, de l’animalité mythologique (le Phoenix) ou pas, des marques des cultures, des symboles (compas, barque), des hommages (Szeemann), du théâtre et des habits et notamment de la table du dialogue de Chan Zhen, des questions écologiques…, est la preuve d’une prise de conscience de la nécessité de penser l’avenir sans éradiquer les sources, même lointaines.Claude Lorent

La Chine ardente. La sculpture chinoise monumentale contemporaine. Aux Anciens Abattoirs, 17 rue de la Trouille, 7000 Mons. Jusqu’au 4 octobre. Du mardi au dimanche de 12h à 18h.

Catalogue : texte des commissaires, présentation des artistes, ill. coul., 184 pp., éd. Mons 2015.

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