Andy Warhol : polaroid et le quart d’heure de célébrité

Un recueil de 500 images instantanées d’Andy Warhol chez Taschen.

Jean-Marc Bodson
Andy Warhol : polaroid et le quart d’heure de célébrité

Un recueil de 500 images instantanées d’Andy Warhol chez Taschen.Andy Warhol était un artiste éclectique : graphiste, peintre, sérigraphe et, chose moins connue, cinéaste. L’exposition "Warhol-Underground" au Pompidou-Metz en fait actuellement l’éclatante démonstration (voir "LLB" du 6 août).

Le tout récent et volumineux ouvrage que lui consacre Taschen pourrait nous laisser croire qu’il était également photographe, cependant la réalité est plus complexe.

Pape du pop

Pour comprendre la démarche du "pape du pop art", il faut savoir que, durant de longues années, il a été un graphiste réputé de la publicité. Entre cet artisanat lucratif et le monde de l’art, il y avait un fossé infranchissable dont il décida de ne plus se préoccuper le jour où il vit les collages de Rauschenberg. D’évidence, ce qu’il avait à faire n’était pas de se conformer à des normes muséales déconnectées de leur temps, mais bien d’utiliser le langage visuel de l’époque pour décrire la société d’ultra-consommation à l’américaine.

En ce début des années 1960, Warhol commence donc à intégrer l’esthétique des images d’usage courant dans son travail. Il reproduit au pochoir et à la peinture acrylique les bouteilles de Coca-Cola et les boîtes de soupe Campbell avec cette conviction que "les grands magasins sont les nouveaux musées".

Il utilise les photographies de stars - Marilyn Monroe, Liz Taylor - découpées dans les magazines pour produire des sérigraphies en grands formats et en séries très lucratives. Puis il commence à prendre lui-même les images avec un Polaroid. En conclure qu’il devient photographe serait exagéré car c’était là une étape intermédiaire dans le processus de création, pas une fin en soi.

Starifier

Dans la foulée, il photographie son entourage proche, et le succès venant, de riches clients venus acheter - très cher - leur image sérigraphiée, auréolée de sa célébrité. C’était le temps de la Factory, ce loft de la 47e rue Est où il avait installé son atelier pour fabriquer de l’art "en masse" tout comme on produisait des voitures ou de l’électroménager. Il y recevait le Tout-New York.

Dans sa préface au livre de Taschen, Richard Woodward remarque : "Les portraits nous disent qui était bienvenu dans le club de Warhol, un endroit tout de suite privé, snob et hostile aux ringards de la classe moyenne, mais ouvert à nombre de marginaux." Et en effet, s’ensuit une série incroyable de "people" comme on ne disait pas encore, de Jack Nicholson à Caroline de Monaco en passant par Mick Jagger, Marcel Duchamp, Man Ray ou l’inénarrable Arnold Schwarzenegger.

Prendre leur image de manière informelle, conviviale à la manière actuelle des selfies, c’était s’inscrire parmi eux et s’approprier un peu de leur gloire.

Photographier dans le même temps ses amis, c’était peut-être comme aujourd’hui avec l’iPhone se pincer et se dire "c’est bien vrai, on est en train de vivre cela". Plus une manière de souligner le présent que de se faire des souvenirs en quelque sorte. C’était surtout les "starifier" en les faisant entrer dans ce monde de l’image qui par essence est celui du spectacle. Leur offrir un premier "quart d’heure de gloire" qui rejaillissait sur lui et l’installait au centre d’une cour toute dévouée.

En fait, s’il a voulu désacraliser l’art, Warhol a surtout sanctifié le fric et plus encore la célébrité. C’est donc moins un photographe que l’on découvre dans cet "Andy Warhol. Polaroids" qu’un génie de la communication qui utilisait la photo comme outil pour se fabriquer du réseau ou du renom et qui en cela a devancé la génération Instagram.

--> "Andy Warhol. Polaroids", édition Taschen, texte de Richard B. Woodward en allemand, anglais et français, 560 p., 74,99 euros.

--> "Warhol Underground" au Pompidou-Metz, jusqu’au 23 novembre. Infos : www.centrepompidou-metz.fr

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