Des Rencontres partagées

Jeune public Sentiment mitigé à l’issue de Huy malgré le sursaut festif et vif de l’Agora. Bilan.

Laurence Bertels
Des Rencontres partagées

Comme un air de fanfare ringarde. Des robes à paillettes, des chapeaux à plumes, un accordéon à bretelles et des saxos cuivrés campés sur une estrade… Le bal musette va-t-il commencer ? Fausse alerte. D’une voix grave, la petite Claire (Céline Leuchter) demande si ses parents ont vraiment voulu lui donner la vie. N’obtenant pas de réponse satisfaisante, elle nous emmène dans la volière de son père, microcosme de la société.

Commence alors une leçon de sciences naturelles déjantée menée par les "ornitosophes" de l’"Harmonie de la Gent à Plumes". Danse nuptiale des Grèbes huppés, rituel de mâles dominants, ponte, tentatives d’envol et lois de la nature sont ponctués de dérapages délirants vite étouffés dans l’œuf. Jusqu’à la question finale de la réalisation de soi.

Rebondissement

On croit les Rencontres théâtre jeune public terminées, puis un dernier rebondissement vient modifier une impression de lassitude. Les habitués de Huy le savent : les humeurs varient au gré des spectacles et les dés ne sont pas jetés tant que la compagnie Agora n’a pas dévoilé son jeu. Raison pour laquelle les programmateurs étrangers ne rejoignent leur nid qu’après avoir vu la nouvelle création de la seule troupe de la Communauté germanophone présente ici.

De nid, il fut bel et bien question dans "L’Harmonie de la Gent à Plumes", ce théâtre festif, physique, total, audacieux et pertinent, un texte intelligent, nourri de (double) sens et de métaphores, signé de la plume, hum…, de Jean Lambert, grand nom du jeune public.

Un dernier coup de cœur donc pour une sélection qui en aura compté trop peu. Sur les 37 spectacles présentés, seuls 7 nous ont réellement emballés.

Un coup de cœur par jour

Trop peu de vrais coups de cœur, donc - de ceux qui nous inciteraient à téléphoner à toutes nos copines pour qu’elles y emmènent leurs enfants - tel est le constat qui s’impose à l’heure du bilan des 31es Rencontres théâtre jeune public. Seules sept créations, sur les trente-sept proposées à Huy tout au long de la semaine, emportent réellement notre enthousiasme. Soit une par jour, tout de même : au total ce n’est pas si mal. Cela nous semble cependant insuffisant. Même si d’autres propositions intéressantes, sensibles, perfectibles ou novatrices ont retenu notre attention. Mais l’ennui, en cette cuvée 2015, s’est trop souvent glissé dans les salles de spectacle. L’impression aussi que certaines compagnies font encore du théâtre comme dans les années 80 alors que les formes ont évolué dans ce secteur aussi considéré comme un vivier pour les autres artistes. Contaminées sans doute par la frilosité ambiante ou contraintes de produire chaque année, certaines compagnies optent pour des spectacles formatés au lieu de se renouveler. D’autres, plus conceptuelles, restent au milieu du gué et oublient de raconter une histoire alors que les enfants n’attendent que cela.

Ce sont d’ailleurs les deux créations qui se basent sur les textes les plus écrits, "Les Misérables" et "L’Ogrelet", qui remportent tous les suffrages.

Danse et débat

De belles suprises du côté de la danse aussi, cette année, avec "Stoel" de la Cie Nyash et "Alibi" de l’Evni (voir ci-dessous) qui mêlent l’épure, le jeu et le sourire en des chorégraphies parfois plus narratives que certaines pièces. Mais la danse, paraît-il, fait souvent peur aux programmateurs. Espérons, malgré cela, que ces chorégraphies tourneront à leur juste valeur.

Le débat, quant à lui, vient de "Wild", une mise en scène d’Anne Thuot, conceptuelle, provocatrice et innovante qui suscite l’agacement ou l’engouement. Finalement à part "Les Misérables", précédés d’une solide réputation, la vraie belle surprise vient de "Mange tes ronces !" par l’asbl Boîte à clous, un théâtre d’ombres en rétroprojection qui parle de nos peurs avec férocité et qui se place du point de vue de l’enfant, fût-il piquant.

Retrouvez l’édition 2015 des Rencontres théâtre jeune public de Huy dans "La Libre Culture" à paraître le 2 septembre.

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