La Tate Modern explore le Pop tous azimuts
A Londres, une foisonnante exposition témoigne d’un âge Pop.
Publié le 22-09-2015 à 18h29 - Mis à jour le 23-09-2015 à 07h08
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Tenus de côté, les grands Américains et Anglais de l’histoire du Pop Art laissent ici place nette à tous ceux et celles qui, de Buenos Aires à Bruxelles, ont raconté, illustré à leur manière une époque de folies, dérives, cris du cœur, slogans ou émeutes. Les Sixties étaient, loin d’une guerre qui avait ravagé la planète, une époque de luxuriance, débauches, consommation en veine d’artifices et, parfois, d’espoirs et idéaux soudain déçus. C’était la guerre froide, des illusions en rade, des engagements politiques teintés d’amateurisme et de foi aveugle, imbécile. C’était la charrue avant les bœufs et l’authenticité lorgnant, déjà, vers la vacuité des goûts et des couleurs quand elles s’affichent en toc.
Epoque de "Faites l’amour et pas la guerre", les Sixties furent celle de révoltes pas anodines. Ambiance garantie, l’exposition londonienne "The World Goes Pop" témoigne et ravive le souvenir de faits déterminants, de personnalités peu ou prou oubliées.
Pub fer de lance
Contrairement à tant d’expos de la Tate et d’ailleurs, ce "The World Goes Pop" ne délivre pas de chef-d’œuvre à la pelle, provoque davantage l’arrêt sur des tableaux, photos, installations ou films qui ont libéré un sens fort, parfois poignant, à un moment clé d’une histoire des hommes et des femmes en train de basculer vers un monde différent. Revendication et affirmation de plus de liberté apparente et constat, plus de quarante ans après, que l’utopie de ces lendemains voulus plus souriants trompait énormément une réalité bien plus terre à terre.
Surprises
Tout en ambiance, le parcours apparaît pourtant rafraîchissant, délivre ses surprises à la queue leu leu et des noms d’artistes dont nous ignorions à peu près tout, ce qui est un bel apport. Pas innocente, dans la première salle, l’œuvre d’Anna Maria Maiolino, "Glu glu glu", 1966 : un homme y crie tandis que l’on voit tout ce qu’il ingurgite ! Et le Japonais Ushio Shinohara y va d’un "Doll Festival", peinture fluo de 1966, sorte de vaste fresque Nô à visages rendus anonymes par le blanc qui les recouvre.
Evelyne Axell
Toujours mieux hissée sur le pavois - et Jean Antoine n’y fut pas pour rien - la Belge Evelyne Axell, météore des arts, trouve une aura dont elle rêva. Féministe, adepte de la libération sexuelle, elle commit des pièces, souvent en 3D, d’une vérité crue. Plusieurs œuvres la ciblent avec bonheur : "Valentine", 1966, "Permis dans les deux sens", 1965, "Le joyeux mois de mai", 1970, joyau du Mu. ZEE d’Ostende. On reverra Evelyne Axell dans deux expos attendues sur le Pop, à l’Espace ING à Bruxelles et à la Maison de la Culture de Namur.
Dans l’exposition londonienne, certaines salles sont attribuées à un(e) seul(e) artiste, sans que l’on sache très bien pourquoi. A Grau Tilson, Cornel Brudascu, Jana Zelibska. Les autres ciblent, plus convaincantes, des caractéristiques de la culture Pop : Pop Politics, Domestic Revolution, Pop Bodies, Pop Crowd, Pop Folk, Pop Consumption.
D’Erro à Cueco
Des artistes qui nous sont plus familiers sont de la manifestation avec des pièces nous rappelant combien ils furent partie prenante de cet âge Pop, et alors qu’ils sont toujours de ce monde et toujours actifs. Il y a l’Islandais Erro et les Français Gérard Fromanger, Henri Cueco, Bernard Rancillac. Il y a Shinkichi Tajiri, Joe Tilson, Martha Rosler, Komar et Melamid.
Vivante, l’exposition vous déménage les méninges. En exergue, la veine consommatrice d’une époque qui s’en mettait plein les yeux et le ventre, mais aussi les tyrannies maoïste et soviétique, la révolte noire, poing levé, aux J.O. de Mexico en 1968, l’exhibitionnisme et la Love Machine. Le résumé sonore et vigoureux d’un âge déterminant.
Tate Modern, Millbank, Londres. Beau catalogue, 272 pages. Jusqu’au 24 janvier. Infos : www.tate.org.uk
Londres en 2h avec Eurostar et 2 entrées à la Tate pour le prix d’une : www.eurostar.com