BPS 22 : un grand musée pour Charleroi
Au cœur de la ville, le centre d’art a été transformé en vrai musée par l’architecte Filip Roland. Le nouveau BPS 22 rouvre le week-end prochain avec une grande exposition. Mais son avenir reste dépendant de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Charleroi veut un « rééquilibrage » en sa faveur.
Publié le 23-09-2015 à 12h25
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Tout le week-end prochain, les 26 et 27 septembre, ce sera la fête au BPS 22 à Charleroi, qui rouvre ses portes après un an et demi de travaux. De « centre d’art », il devient « Musée d’art de la province du Hainaut ».
Le lieu garde toute sa singularité et sa beauté industrielle, mais il est agrandi, rénové, mis aux normes muséales avec le confort requis pour les oeuvres et les visiteurs. Le BPS 22 est ainsi propulsé parmi les grands lieux d’art contemporain belges. Il ne lui maque que les moyens suffisants pour ses légitimes ambitions. Son directeur, Pierre-Olivier Rollin interpelle la ministre Joëlle Milquet dans ce sens (lire ci-contre).
Le musée est situé dans un bâtiment néoclassique que l’architecte Gabriel Devreux réalisa en 1911 pour abriter le pavillon des Beaux-Arts lors de l’exposition industrielle de Charleroi. Devenu par la suite, Bâtiment provincial Solvay (en abrégé BPS), situé au 22 boulevard Solvay, il s’est appelé simplement BPS 22 en 2000, quand Pierre-Olivier Rollin investissait le lieu pour en faire un centre d’art contemporain.
En 15 ans, il a mis sur pied de fortes expositions (de Johan Muyle à EuroPunk) très ancrées sur la société actuelle et sur Charleroi, s’imposant comme un lieu incontournable de l’art actuel.
Le BPS 22 gère aussi la collection de la province du Hainaut, 7000 pièces, de valeurs inégales mais avec des Meunier, Anto Carte, Magritte, Paulus, etc.
Le balcon, un signal
Pierre-Olivier Rollin a dû batailler pour trouver les moyens de transformer son centre en vrai musée. Par miracle, il a pu encore obtenir les subsides avant que la crise budgétaire bloque les budgets publics.
Le projet d’agrandissement et de rénovation lancé en 2004 n’a abouti au commencement des travaux qu’en 2014 ! C’est le bureau Archiscénographie de Filip Roland, déjà auteur du musée Rops à Namur, qui emporta le concours et réalisa les travaux pour 4 millions d’euros.
L’objectif était de conserver la qualité d’architecture industrielle du lieu mais d’en corriger les défauts.
Dès l’entrée, le changement s’impose aux visiteurs. Non sans de longues discussions avec le Patrimoine wallon, Filip Roland a heureusement conservé l’idée de placer un balcon, un signal, en avant de la façade, saillant entre les colonnes anciennes.
Le balcon est réalisé, comme le revêtement de la façade, en « rodeca », du polycarbonate transparent qui laisse voir aussi un morceau de l’ancienne fresque de Jean–Luc Moerman, comme une rappel du passé artistique du lieu.
Matériau humble, ce polycarbonate n’entre jamais en concurrence avec la colonnade. Mais le balcon, éclairé la nuit est un signal dans la ville et il marque aussi l’emplacement de l’entrée nouvelle. Filip Roland a conçu d’ingénieuses « Aubettes » sur roulettes pour accueillir les visiteurs.
Une vrai white box
La surface même d’exposition est restée à 2500 mètres carrés, mais totalement revus. La grande halle avec sa verrière a été laissée quasi telle quelle pour en conserver l’esthétique particulière. Mais les murs sont devenus de vraies cimaises. L’ancienne salle de sport qui la jouxtait est devenu une vrai « white box » très haute, à même d’exposer les oeuvres contemporaines dans des conditions optimales avec, à l’étage, une coursive et divers dégagements qui permettent d’exposer des oeuvres plus petites. A cela s’ajoute, véritable extension cette fois, une salle pour les vidéos, un atelier d’artistes, une salle de réunion, des espaces éducatifs, etc.
Le BPS22 « espace de création » devenu « musée » a une programmation qui couvre toute l’année et gardera, nous explique Pierre-Olivier Rollin, « notre spécificité, l’ancrage sociétal, notre souci des sous-cultures ».
Au programme, une grande exposition d’ouverture, « Les mondes inversés », et, ensuite une exposition « Uchronies » «qui visitera les collections de la province du Hainaut en confrontant les oeuvres anciennes (Meunier, Anto Carte, Stevens, Magritte, Paulus) à des oeuvres contemporaines (Warhol, Sherman). En juin, il y aura une grande exposition Marthe Wery et la publication d’une monographie à l’occasion d’un legs important de la famille de l’artiste au BPS22.
"Magnette négocie un rééquilibrage vers Charleroi"
Si le nouveau BPS 22 est très réussi, son avenir budgétaire reste incertain. Il bénéficiait jusqu’ici d’un financement de la province, de la ville, de la Région et d’une convention avec la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB). Pierre-Olivier Rollin demande maintenant sa reconnaissance comme « musée » et donc un contrat-programme avec des sommes correspondant à ses caractéristiques (une vaste collection, ouverture toute l’année, personnel en forte croissance, etc.).
Le budget public du BPS 22, très modeste jusqu’ci, 700000 euros par an, devrait doubler et passer à 1,4 million d’euros annuel et 150000 euros pour les acquisitions. La ville de Charleroi, la Province et la Région ont déjà fait un effort. Reste la FWB à laquelle Pierre-Olivier Rollin demande une subvention annuelle qui passerait de 165000 euros aujourd’hui à 500000 euros, idéalement dès 2016. Mais « au pire, on peut encore tenir un peu comme on l’a fait pendant 15 ans ».
L’après Mons 2015
« Il faudrait, nous dit-il, soit que la FWB sorte davantage d’argent pour les arts plastiques, mais on sait que la situation budgétaire restera très difficile au moins jusqu’en 2017, soit qu’elle procède à un rééquilibrage des moyens disponibles en fonction des spécificités territoriales. Charleroi a très peu pas bénéficié jusqu’ici d’aides culturelles. Surtout si on compare par exemple à La Louvière qui a sur son territoire six institutions muséales : Seneffe, Mariemont, le Daily-Bul, le musée Ianchelevici, le centre de la Gravure et maintenant le musée Keramis. Je sais que ce dernier est aussi confronté à des contraintes budgétaires très fortes mais ce fut une politique irresponsable de construire tant d’institutions à La Louvière si les politiques n’ont pas les moyens d’en assurer le fonctionnement. »
Pierre-Olivier Rollin, appuyé par Xavier Canonne du musée de la photographie et par Jean-Michel Van den Eeyden du théâtre de l’Ancre a trouvé un relais chez Paul Magnette, le président du gouvernement wallon mais aussi le bourgmestre en titre de Charleroi. Ils veulent remettre à plat ces aspects de la politique culturelle, surtout dans le contexte de l’après Mons 2015 et des moyens qui pourraient ainsi se dégager.
« Paul Magnette porte ce dossier pour nos trois institutions car il sait bien que l’offre culturelle d’une ville est essentielle pour son redéploiement comme Di Rupo l’a compris à Mons. Il faudrait par exemple que le public qui vient au musée de la photographie puisse continuer ensuite chez nous. »
Pierre-Olivier Rollin plaide pour ce « rééquilibrage », fort de son nouveau musée, de la place de Charleroi, de la gestion d’une collection de 7000 oeuvres et de son bilan au service des artistes contemporains de la FWB plaçant « l’artiste au centre » comme Joëlle Milquet le prône. « Sur les sept artistes finalistes pour représenter la FWB à la dernière Biennale de Venise, il y en avait six avec qui nous avons travaillé ! »