Hugo Pratt et ses chemins de traverse au Musée Hergé
Comme un paradoxe, tout commence par une photo. " Elle a été prise à Angoulême à la fin des années 70", explique Sophie Tchang, fille de et maître d’œuvre de cette exposition consacrée à Hugo Pratt par le Musée Hergé.
Publié le 30-09-2015 à 20h05 - Mis à jour le 01-10-2015 à 09h12
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Quand le maître de la ligne claire accueille le pape vénitien. Rencontre au sommet. Comme un paradoxe, tout commence par une photo. "Elle a été prise à Angoulême à la fin des années 70", explique Sophie Tchang, fille de et maître d’œuvre de cette exposition consacrée à Hugo Pratt par le Musée Hergé.
Pratt et Hergé sous le même toit. Deux des plus grands auteurs de la bande dessinée mondiale réunis dans ce superbe écrin déposé à Louvain-la-Neuve. "Mais pas question de les confronter", explique Didier Platteau, fondateur avec Nick Rodwell des éditions Moulinsart et père du mensuel "(A Suivre…)" pour les éditions Casterman, le "fanzine" qui a hébergé la plupart des œuvres majeures de Pratt en langue française.
Pratt est l’invité d’Hergé. Il a déposé ses bagages bourrés d’originaux dans la salle consacrée aux expositions temporaires. Un bourlingueur comme Corto Maltese ne peut jeter l’ancre indéfiniment.
Des influences multiples
Dès cette iconoclaste photographie dépassée, l’exposition offre un regard perçant sur les originaux du maestro. Des premiers fumetti qu’il se contentait de dessiner jusqu’aux plus belles aquarelles mettant en scène avec une apparente facilité des danses celtiques, des joueurs de cornemuses ou des Indiens menaçants.
Vingt ans après son décès, cette exposition est sans conteste une des plus riches jamais consacrée à l’univers d’Hugo Pratt, artiste ouvert à toutes les cultures, curieux de tous les horizons. Et puis, évidemment, il y a, comme chez Hergé, cette soif de lecture. Alors, le visiteur se surprend à replonger dans "L’Ile au trésor" de Stevenson, dans les pages les plus épiques de Jack London, les passions indiennes d’un Rudyard Kipling ou les envolées libertaires d’un Arthur Rimbaud dans les pas duquel Hugo Pratt s’est enfoncé dans cette Abyssinie qui a tant envoûté Corto Maltèse.
Car évidemment, même si l’expo est consacrée à son géniteur, Corto Maltese a pris ses aises dans cette exposition.
Avec ce matelot audacieux, vient le temps du noir et blanc. Un noir intense, lumineux. Fabuleux trait jeté avec cette nonchalance qui lui sied si bien.
Le Corto de Pratt, c’est l’apogée de la bande dessinée des années 70. Le révélateur de toute une génération qui va prendre goût à cette absence de couleur. On pense à Tardi, évidemment. Mais aussi et surtout au meilleur disciple d’Hugo Pratt, notre Didier Comès. Monumental auteur, autre anti-star des années "(A Suivre…)" disparu bien trop tôt.
Hugo Pratt était un artiste généreux. Une générosité et une gourmandise qui se ressentent dans toute cette exposition peu avare de pièces originales.
Et puis, il y a la surprise. Une exposition dans l’exposition consacrée au retour de Corto en BD. Pratt n’avait pas envisagé que son marin mette pied à terre à sa mort. C’est un couple espagnol qui s’y colle. Canalez au scénario signe un récit plutôt inspiré. Pellejero, au dessin, lui, a complètement pénétré l’univers du maître pour nous offrir un graphisme époustouflant. Ses noirs n’ont pratiquement rien à envier à ceux du maître.
Musée Hergé: 26, rue du Labrador, 1348 Louvain-la-Neuve. Infos: +32 10 488 421 ou info@museeherge.com