Hugo Pratt se livre en grandeur nature à Louvain-la-Neuve
Rencontres et Passages. L’intitulé de cette exposition est déjà toute une promesse. A première vue, rien ne semble rassembler Hergé et sa ligne claire au trait délié de Pratt. Pourtant, à y regarder d’un tout petit peu plus près, ces deux-là sont faits de la même passion, de la même soif de raconter des histoires.
Publié le 30-09-2015 à 14h46 - Mis à jour le 30-09-2015 à 19h18
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Un bonheur pour les amateurs d’aventures. Rencontres et Passages. L’intitulé de cette exposition est déjà toute une promesse.
Rencontres, comme celle de Pratt et d’Hergé, de deux univers tellement différents et pourtant marqués par une même soif de la… rencontre de l’autre. Evident pour un reporter, naturel pour un aventurier vénitien au long cours.
Passages, comme ces accidents de carrière que l’on peut découvrir et cerner au musée Hergé. Pratt, immense dessinateur, aurait pu continuer à dessiner les récits de grands scénaristes. Hergé, lui, aurait peut-être pu se contenter de gentilles histoires comme celles de Totor. Mais les deux hommes ont osé prendre des chemins de traverses. Des parcours plus audacieux qui répondaient - avec évidence - à leur vrai caractère, leur vraie soif de découverte et de partage de leurs univers. De superbes balades jamais totalement apaisées.H. Le.
"Hugo Pratt - Rencontres et passages". Jusqu’au 6 janvier 2016. Musée Hergé, Louvain-la-Neuve. www.museeherge.com
Une rencontre évidente

(Hugo Pratt, Robert Louis Stevenson à Vailima, Apia, 1994. "J'avais un rendez-vous.")
A première vue, rien ne semble rassembler Hergé et sa ligne claire au trait délié de Pratt. Pourtant, à y regarder d’un tout petit peu plus près, ces deux-là sont faits de la même passion, de la même soif de raconter des histoires, des voyages, de permettre à leur lectorat, le plus large possible, de voyager sans bouger. Un voyage immobile qu’ils concevaient avec leur regard personnel, avec leur passé respectif.
Les deux hommes sont des autodidactes épris de liberté, de savoir et gourmands de faire partager ces passions.
Hergé et Pratt ont une passion commune pour l’ésotérisme. Mais également pour la littérature. Pratt sera le plus démonstratif sur ce chapitre littéraire. L’exposition qui se tient du 2 octobre au 6 janvier au musée Hergé fait la part belle à cette empreinte marquée et marquante de la littérature dans l’univers d’Hugo Pratt avec un vrai coup de cœur pour la balade de Corto Maltèse sur les traces d’Arthur Rimbaud dans cette Abyssinie que tant Corto Maltèse qu’Hugo Pratt ont bien connue. "Il faut bien insister sur le fait qu’il s’agit d’une expo sur un artiste et pas seulement sur un de ses personnages, aussi génial soit-il", explique Didier Platteau, cofondateur, avec Nick Rodwell, des éditions Moulinsart, mais aussi grand bâtisseur du Magazine "A Suivre…", pour les éditions Casterman. Le magazine qui, en 20 ans, a marqué plusieurs générations de lecteurs de bandes dessinées avec des auteurs comme Mœbius, Tardi, Boucq, Schuiten… "On découvre ainsi les travaux de Pratt jeune dessinateur, faisant ses premières armes au dessin sur des scénarios d’autres auteurs. Les planches ou les dessins visibles au musée Hergé démontrent toutes à souhait la puissance narrative de cet artiste exceptionnel."
Trois questions à Didier Platteau
Comment est née cette exposition ?
A l’origine, il devait y avoir une exposition à Grandvaux, en Suisse, où Hugo Pratt a vécu quelques années, pour célébrer les 20 ans de sa mort. Finalement, pour diverses raisons, cette exposition n’a pu être montée. Nick Rodwell a appris la nouvelle et il s’est dit qu’il était impensable qu’il n’y ait aucun hommage rendu à Pratt. C’est ainsi que tout a démarré et tout s’est fait assez facilement ensuite parce qu’il y avait de l’envie des deux côtés.
Ce n’est pas l’expo de Grandvaux qui débarque au musée Hergé ?
Pas du tout. J’ignore ce qui était prévu en Suisse. C’est une exposition faite sur mesure pour le musée Hergé. Cette exposition est organisée dans l’espace consacré aux expositions temporaires. Il ne s’agit donc pas de confronter les œuvres des deux maîtres. Ce sont deux géants qui peuvent très bien cohabiter.
Avec Hugo Pratt comme premier invité, vous frappez fort. D’autres expositions sont-elles prévues ?
Alors, oui, on commence très fort. Non, il n’y a pas d’autres expositions prévues. Mais il est évident que si cette première est un succès, on pourrait envisager d’autres rendez-vous. Pourquoi ne pas rêver à une exposition Mœbius ou Franquin dans le musée Hergé. J’insiste, c’est un rêve à ce stade, mais si on ne rêve pas, on n’avancera jamais. Toute mon histoire avec Pratt est faite de paris un peu fous qui ont abouti sur de belles choses.

(Hugo Pratt, Ernie Pike, "Tarawa", 1958.)
Hugo Pratt en 5 dates
15 juin 1927 : Naissance à Rimini (Italie) mais c’est à Venise qu’il passe son enfance.
1941 : enrôlé par son père, militaire de carrière, dans la police d’Abyssinie.
1962-1967 : Hugo Pratt signe dans un magazine pour enfants. Il y adapte "L’Ile au trésor".
1967 : Première apparition de Corto Maltese.
1969 : Première publication en français dans "Pif Gadget".
En librairie : Hugo Pratt, écrivain du grand large

En collaboration avec "L’Express", "La Libre Belgique" et "La Dernière Heure/Les Sports" ont édité un numéro spécial de 112 pages qui analyse de fond en comble l’œuvre du père de Corto Maltese, avec des contributions du dessinateur José Munoz, de l’éditeur Didier Platteau ou du biographe Dominique Petitfaux. Indispensable. Prix : 8,90€
Biographie : Hugo Pratt, la traversée du labyrinthe Jean-Claude Guilbert

Hugo Pratt est un mystère indique la quatrième de couverture de cette imposante réédition (augmentée et richement illustrée !) de la biographie consacrée au père de Corto Maltese par Jean-Claude Guilbert. Ami et compagnon d’aventure de Pratt, l’auteur emmène le lecteur à la découverte d’un univers bien plus vaste qu’on l’imagine. (Ed. Plon, 2015, 502p.)