Photographie: Dans l’épaisseur de la vie

Chez Contretype, trois auteurs et trois regards très différents pour une même profondeur.

Jean-Marc Bodson
Photographie: Dans l’épaisseur de la vie

Les trois nouvelles expositions en cours chez Contretype relèvent de trois registres très différents : du paysage pour la première, un regard poétique pour la seconde et des traces de happening pour la troisième. Pourtant, même avec des enjeux formels, voire philosophiques aussi distincts, toutes trois entraînent le visiteur dans l’épaisseur de la vie.

Traces

Dans "La couleur de l’air", David Huguenin, originaire de Genève, nous emmène dans la région de Sète où il vit depuis une vingtaine d’années. Plus exactement, pour paraphraser Gary Winogrand, il nous fait voir à quoi ressemble ce territoire une fois photographié. Assez curieusement, dans ces abords marins, on ne voit aucune personne. Pas même dans les annexes de port d’habitude si animées. Un peu comme si la prise de vue avait condensé le temps dans les choses en oubliant les gens. Ce qui n’est pas étonnant de la part d’un photographe s’inscrivant dans une pratique documentaire dont les longs temps de pose "effacent" tout ce qui bouge. Une pratique qu’il résume en trois mots - marche, observation, silence - et qui s’apparente assez bien à celle des archéologues si habiles à nous restituer la vie passée à partir des traces exhumées de strates géologiques.

Silence

A sa façon, Anne-Sophie Costenoble semble également ramener à la surface tout un fond enfoui. Ses images sombres et le plus souvent troubles traduisent au mieux notre rapport à la mémoire et à ses méandres. Sous l’intitulé "Le silence de l’oiseau", la photographe présente tout un ensemble dont l’étrangeté omniprésente n’est pas sans rappeler l’œuvre de Ralph Eugene Meatyard. Les deux pièces du sous-sol de Contretype où elle expose cadrent parfaitement avec la métaphore des profondeurs dont relève chaque image. Dans sa série, la reproduction d’un cliché ancien souligne tout à la fois l’importance, mais aussi la fragilité mémorielle des photos de famille. Elle souligne aussi cette aura dont chacune de ses images, à l’instar de celles-ci, procède et qui fait que l’on ressent plus qu’on ne le voit ce qu’elle a à nous dire.

Divan

Avec "Libre maintenant", Pierre Liebaert fait exploser le petit espace dit de "la salle de bain". Particulièrement avec l’image très agrandie d’un homme nu vu de dos qui laisse sans voix tant on peine à en trouver la signification. En fait, chacune des photos de cette série est le résultat d’un rendez-vous pris sur le Net. Une sorte d’enregistrement d’un happening curieux où des hommes soumettent leurs corps imparfaits au regard du photographe, mais aussi du public. Une situation que Xavier Canonne résume parfaitement : "Préférant au divan du psychologue le regard du photographe, ils en ressortent allégés d’un secret révélé à celui qui en demeurera le seul dépositaire. Pierre Liebaert a retrouvé l’essence de la photographie, de la relation entre le modèle et le photographe, exacerbant ici la notion de pouvoir qu’elle induit en cette soumission désirée."

Bruxelles, Contretype, 4A, Cité Fontainas. Jusqu’au 31 octobre, mer. au ven. de 12 à 18H, sam. et dim. de 13 à 18H. Rens. : www.contretype.org

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