Attention, invasions barbares à Bruxelles!
Pas de panique, il est fortement conseillé de les rencontrer, ce sont des artistes.
Publié le 19-10-2015 à 17h56 - Mis à jour le 20-10-2015 à 07h01
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L’expo des artistes belges revient de Rome où elle a connu un retentissant succès au musée Macro (Voir LLB du 13/08/15). Et pour les Romains, tous les étrangers étaient des barbares. Voici donc ces barbares et insoumis, mais néanmoins poètes, tous artistes de chez nous, de retour chez eux où ils mériteraient un accueil aussi enthousiaste.
On ne reviendra pas sur l’absence de musée d’art moderne et contemporain à Bruxelles, ce qui pénalise gravement nos artistes privés d’une indispensable vitrine avec label muséal. Voilà que justement, l’expo se tient dans l’ancien bâtiment Vanderborght, le lieu pressenti pour abriter ce musée manquant. Prêté par la Ville de Bruxelles, aménagé par les soins des organisateurs, le lieu situé en centre urbain joue pleinement son rôle. Professionnalisme et savoir-faire résolvent bien des situations qui, n’en doutons pas, prendront encore des années avant d’opter pour une solution adéquate et respectueuse de nos artistes. Et comme l’expo est de qualité, une visite s’impose.
Poètes indisciplinés
Voici 25 ans, le musée d’Art moderne de la Ville de Paris, avec la collaboration des institutions et collectionneurs belges, organisait une exposition sur l’Art en Belgique et précisait dans le titre "Un point de vue". Celle qui se tient aujourd’hui est exactement du même ordre et bâtie sur le même principe avec la participation de collections privées et d’institutions. Son sujet, ce sont les artistes de Belgique et le point de vue, barbares et poètes, reprend avec les nuances indispensables l’indiscipline caractérisée de la plupart de nos plasticiens, fréquemment rétifs à tous les classements forcément réducteurs.
Il est par ailleurs salutaire qu’en ces temps de globalisation où l’on distingue et célèbre l’art chinois, coréen, américain ou brésilien, qu’on se rende compte de la richesse d’un art fort et singulier commis par des artistes belges dont beaucoup jouissent d’une réputation internationale. A moins qu’il ne faille encore attendre qu’on le fasse pour nous ? Et puisque les officiels ne le font pas, c’est un privé, Antonio Nardone, qui en a pris l’excellente initiative.
Faire l’histoire
L’exposition s’ouvre en compagnie de quelques artistes de référence. Ils ne sont certes pas tous présents puisque l’expo est un choix et une manière particulière de relire notre art. Mais chaque présence est l’affirmation d’une singularité des plus talentueuses qui s’impose en tant que valeur incontournable. Ensor l’irrévérencieux ouvre le bal des anciens où se retrouvent joyeusement ou gravement Rops, Spilliaert, Van de Woestyne, Van den Berghe et Permeke, Magritte incontournable comme Delvaux ainsi qu’autres surréalistes et facétieux, jusqu’à la redécouverte d’un Camille D’Havé injustement oublié. Et un beau clin d’œil à Cobra avec Dotremont et Alechinsky. On est d’emblée dans le vif du sujet, nos plasticiens ne s’en laissent conter par personne, ils font l’histoire.
La suite en plusieurs salles non chronologiques, construites davantage en affinité et dialogues forcément croisés fusant en tous sens comme une balle de squash en mouvement. Un des intérêts majeurs de cette expo réside dans le fait que si des pointures imposantes constituent des repères, d’autres artistes beaucoup moins connus révèlent leur potentiel d’irréguliers, de penseurs critiques, impertinents souvent, d’esthètes incongrus et inventifs, qui bousculent les balises trop souvent bien implantées de l’histoire de l’art.
Le commissaire de l’expo n’a pas hésité à sortir des autoroutes pour emprunter les sentiers de la découverte. Vous ne manquerez ni les Fabre, Delvoye, Buggenhout, Charlier, De Cordier, De Bruyckere, Panamarenko ou Broodthaers, mais fort à propos vous prendrez aussi du plaisir avec les tatoués de Moerman, les cageots en or de Leo Copers, les monochromes de Michel Mouffe, les animaux de Pascal Bernier et les poulets de Vanmechelen, la drôlerie de Messieurs Delmotte, les danseuses de Muyle et l’Hom’art de Lennep, et autres œuvres des Ferretti, Filippini, Van Duynen, Solheid, Pelette et Jacquet… Vous ne les connaissez pas ? Raison de plus pour les rencontrer.Claude Lorent
"I Belgi. Barbari e Poeti. Art belge des XXe et XXIe siècles", espace Vandenborght, 50 rue de l’Ecuyer, 1000 Bruxelles. Jusqu’au 3 janvier. Du mardi au dimanche de 11h à 19h.
Excellente publication sous la direction de Louise Van Reeth et Antonio Nardone, 270 p., ill. coul., NB textes, éd. Rond-Point des Arts.