Tongres attend ses gladiateurs
"Les gladiateurs - Héros du Colisée" arrivent au Musée gallo-romain. Une exposition organisée en collaboration avec Rome. Des pièces exceptionnelles et une dimension interactive. A vos boucliers. Reportage.
Publié le 20-10-2015 à 21h01 - Mis à jour le 21-10-2015 à 14h37
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Une chaleur écrasante, des files imposantes et cet amphithéâtre éventré qui s’élève et déchire le ciel à n’en plus finir… Nous voici vingt siècles en arrière. Une petite ascension dans les gradins du Colisée, un regard aux alentours et un léger éblouissement suffisent à donner toute la mesure des combats qui se déroulèrent ici, in illo tempore. Il suffit de fermer les yeux pour sentir l’odeur âcre du sang, entendre rugir les lions et les tigres, hurler les hyènes ou barrir les éléphants qui, affamés, surgissaient des caves sombres où ils avaient été enfermés des jours durant. Soudain exposés à la lumière et aux cris d’une foule en délire, ils hurlaient à pierre fendre se jetant contre les gladiateurs prêts à se battre à mort pour défendre leur vie, leur liberté, leur pécule. Avant d’assister aux joutes inégales, les spectateurs avaient mangé, chanté et festoyé pendant plusieurs heures, comme en témoignent encore quelques graffitis sur le site, puisque les combats n’étaient qu’une des activités prévues les jours de fêtes ponctuées de quelques exécutions de condamnés à mort…
D’une grande violence
Emblématique de la Rome antique, impérialiste et sanguinolente, le Colisée, ce "nouvel amphithéâtre" ou "amphithéâtre flavien" comme l’appelaient les Romains, ce berceau de tous les imaginaires reste, avec ses six millions de visiteurs annuels, le monument le plus visité de toute l’Italie. Il bénéficie d’ailleurs actuellement d’une importante rénovation (lire également nos éditions du 5 août). Chacun se plaît à se représenter les luttes épiques et cruelles qui se sont déroulées en cette arène où la violence humaine semble avoir donné toute sa démesure. Les combats de gladiateurs demeurent un des souvenirs fondateurs de la civilisation romaine. Et ce n’est pas un hasard s’ils ont inspiré tant de récits, d’œuvres, de films ou de séries. Le succès remporté par des péplums tels que "Spartacus" ou "Gladiator" en dit long sur la portée du sujet. Dès lors, lorsque Expona, réseau de musées et de centres d’exposition basé en Italie, a contacté le Musée gallo-romain de Tongres - élu meilleur musée européen en 2011 ! - pour réaliser, en partenariat avec le Colisée, une exposition sur les Gladiateurs, celui-ci ne s’est pas fait prier. Et prépare l’affaire depuis trois ans.
Dans le sillage des Vikings
Après le succès de Sagalassos, des Etrusques et des Vikings, voici donc venir, pour six mois au moins, ces lutteurs romains qui osaient affronter des ennemis de taille, mais pas seulement. Puisque, pour varier les plaisirs, les Romains imaginaient également des combats entre hommes, entre femmes, entre hommes et femmes ou contre des nains. Il y en avait pour tous les goûts, histoire de varier les plaisirs, et contrairement à ce que l’on croit, tous n’en mouraient pas. Ouvert en 80 avant JC, ce qui valut à la Cité cent jours de festivités, le Colisée, à l’instar des autres amphithéâtres, a cessé ses activités au Ve siècle après JC. Considéré comme le plus grand des deux cents amphithéâtres italiens - il en exista également en Bulgarie, en Hongrie, en Espagne ou à Tongres - celui de Rome pouvait accueillir jusqu’à cinquante mille personnes venant de toutes les strates de la population, la palette de prix étant assez large.
Hiérarchie
L’Empereur et sa famille occupaient la loge centrale de l’amphithéâtre, face aux places réservées aux vierges. Au premier niveau s’installaient les sénateurs, leurs familles et les chevaliers; à l’étage supérieur, la classe moyenne et les artisans et aux derniers gradins, les pauvres et les femmes. Des grandes toiles protégeaient ce beau monde du soleil, un ingénieux système de vaporisation d’eau le rafraîchissait pendant que les combattants arrivaient de part et d’autre de l’amphithéâtre pour en sortir par l’une ou l’autre porte, debout ou… les pieds devant. Enfermés au sous-sol, dans l’hypogée, les animaux étaient hissés dans l’arène à l’aide d’ascenseurs de trois cents kilos actionnés par un miminum de huit personnes. Une mécanique bien huilée.
Des femmes aussi
Amphithéâtre de l’Empereur, le Colisée n’était en activité qu’au printemps et en été. Quatre maisons de gladiateurs se trouvaient dans les environs. Ils venaient de toutes les villes et l’on comptait des femmes parmi eux. L’histoire ne dit pas si elles étaient plus cruelles que les hommes mais elles s’engageaient en tout cas comme eux dans une vie dure et stricte qui, en revanche, leur octroyait gloire et célébrité. Au même titre que les footballeurs aujourd’hui, les gladiateurs étaient de véritables vedettes et battaient les animaux plus souvent qu’on le croit. Certains oiseaux du Middle West ont même disparu à cause des jeux. On croyait les lutteurs forts et gras mais ils ne mesuraient en général pas plus d’1m60 et se nourrissaient principalement de céréales comme l’ont révélé les analyses effectuées sur leurs ossements. Personnages importants, ils étaient très bien soignés par les médecins.
Marcus Ulpius Felix
Parmi eux, Marcus Ulpius Felix, un gladiateur romain de Tongres, ou de ses environs, qui fit carrière à Rome comme en témoignent un marbre et une urne cinéraire conservée à la Galleria Colonna de Rome. Celle-ci reviendra à Tongres pour l’exposition. Marcus Ulpius Felix était selon l’épitaphe un mirmillon, soit un gladiateur de type populaire et vétéran, ce qui signifie qu’il avait survécu à son premier combat. Agé de 45 ans, il appartenait à la tribu des Tungri. Prisonnier de guerre, esclave, ou gladiateur par vocation, il portait les nom et prénom de l’empereur Marcus Ulpius Nerva Trajanus Augustus mieux connu sous le nom de Trajan (98-117 après J-C). Il avait donc reçu le statut de citoyen et sera mis à l’honneur au cœur des "Gladiateurs, Héros du Colisée".
Tongres, du 24 octobre 2015 au 3 avril 2016, au Musée gallo-romain, Kielenstraat, 15. Infos : www.galloromeinsmuseum.be ou 012.67.03.30.
À savoir
Les gladiateurs se différencient par leurs armes, leur équipement et leurs techniques de combat.
- Le rétiaire, très mobile avec son trident et ses filets. Souvent Noir et esclave. Frappe l’imaginaire par son équipement offensif.
- Le secutor, celui qui poursuit, porte un casque lisse, sans crête et offre moins de prise au filet que les autres gladiateurs.
- Le provocator porte un bouclier similaire à celui du légionnaire romain, un scutum. Il est aussi armé d’une dague courte.
- Le mirmillon, héritier du Gaulois d’époque républicaine, possédait un grand scutum ainsi qu’une dague. Son casque à crête percussive lui servait aussi comme arme offensive.
- Le thrace combattait avec la falx supina, une dague courbe tranchante des deux côtés de la lame. Il était protégé par un petit bouclier et par deux jambières (ocreae) qui montaient jusqu’aux cuisses. Il portait un casque à rebord (galea).