Victor Hugo, fou d’amour et de sexe

La maison de Victor Hugo explore le lien entre pudeurs des écrits et passions privées.

Guy Duplat
Victor Hugo (1802-1885). "Sub Clara Nuda Lucerna". Plume et lavis d'encre brune sur crayon de graphite. Paris, maison de Victor Hugo. Dimensions : 19,6 x 31,6
Victor Hugo (1802-1885). "Sub Clara Nuda Lucerna". Plume et lavis d'encre brune sur crayon de graphite. Paris, maison de Victor Hugo. Dimensions : 19,6 x 31,6 © Maisons de Victor Hugo / Roger

C’est à un sujet bien audacieux que se consacre la maison de Victor Hugo, place des Vosges à Paris. Comment se fait-il que l’immense poète et écrivain ait eu une œuvre si chaste vantant "l’océan de l’amour" et une vie d’amant priapique aux innombrables conquêtes, tarifées ou non ? "Le mystère splendide et hideux de la chair", dira-t-il, est-il le pendant de l’amour pur ?

Dès l’entrée de l’expo, on rappelle son affirmation : "La liberté d’aimer n’est pas moins sacrée que la liberté de penser". On aurait pu rappeler aussi : "Je pense des femmes comme Vauban des citadelles : toutes sont faites pour être prises. Toute la question est dans le nombre de jours de tranchées".

Les jeunes femmes

La vie sentimentale d’Hugo (1802-1885) débuta par sa chaste passion pour Adèle Foucher, amie d’enfance à qui il jure qu’il sera son "esclave dévoué", qu’il épouse encore vierge, en 1822, et qui lui donna cinq enfants. Mais le sexe n’est pas son affaire au contraire de Juliette Drouet qu’il découvre jouant Lucrèce Borgia. Il en tombe amoureux et elle restera fidèle toute sa vie à son "Toto", comme elle l’appelle, le suivant même en exil à Jersey et Guernesey, mais ne logeant pas sous son toit, acceptant le chassé-croisé avec Adèle, l’épouse légitime, et les innombrables amours de Victor, y compris les soubrettes aimées à la va-vite et les actrices qui pensent que lui céder les aidera.

Il est surpris en flagrant délit d’adultère avec Léonie Biard (la presse satirique le surnomme alors "paire" au lieu de "pair de France"). Et il dispute à son fils les faveurs d’Alice Ozy. Même la vieillesse n’éteint pas son faible pour les jeunes femmes. Il note ses conquêtes sur un petit carnet crypté en latin. Il aime la "puissante et fessue" Céline Bàà, note que "c’est fatigant de faire l’amour trois fois par jour", mais comment résister à Albertine Seran, actrice de 25 ans, à Judith Gautier qu’il met dans son lit à 81 ans, à Blanche Lanvin, sa dernière conquête ?

Hugo nu et assis

Si Victor Hugo "se lâche" parfois dans ses lettres - il écrit à Juliette Drouet : "Baisez-moi, belle Juju" -, il reste prude dans ses romans. Jean Valjean et Quasimodo sont vierges. Dans ses dessins et lavis, il reste aussi sage. Juste peint-il quelques dos nus allongés.

Mais comme le montre l’expo, le feu couve. "Toi, tu la contemplais n’osant approcher d’elle, car le baril de poudre a peur de l’étincelle", écrit-il. Et quand l’explosion a lieu, c’est "le râle et le baiser, la morsure et le chant, la cruauté joyeuse et le bonheur méchant et toutes les fureurs que la démence invente".

L’expo montre de nombreuses gravures et dessins montrant qu’à l’époque, sous des dehors puritains, les mœurs sont licencieuses : les dessins érotiques de Francesco Hayez et Achille Dévéria sont riches de combinaisons osées. La frénésie de satyre de Victor Hugo n’était pas une exception.

On confronte, à l’expo, textes et tableaux : de très beaux dos nus de Corot et Ingres, des amants de Courbet. Dans la dernière salle, on creuse l’inconscient de l’époque et l’idée que l’amour "pur" est une tentative de brider les pulsions mais celles-ci sont un des moteurs de l’art : les pieuvres goulues d’Hokusai, les dessins licencieux de Rops, un magnifique faune de Böcklin, des Rodin comme Iris, la déesse qui expose son sexe comme Courbet l’avait peint. La dernière œuvre est Hugo nu et assis, par Rodin, qui a bien saisi chez lui le Pan cosmique et redoutable, ivre d’amour et de poésie.

"Eros Hugo. Entre pudeur et excès." Maison de Victor Hugo, Paris. Jusqu’au 21 février.

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