Le cimetière de Molenbeek prend des airs de Venise

Après 10 ans de travaux, on inaugure les belles galeries funéraires restaurées.

Guy Duplat
Le cimetière de Molenbeek prend des airs de Venise
©DR

On inaugure ce samedi les galeries funéraires restaurées du cimetière de Molenbeek-Saint-Jean et c’est une belle révélation.

Avec le soleil, le cimetière prend des airs de Pise ou Venise avec ses marbres, ses galeries, ses colonnades et sa coupole néo-classique.

On avait oublié qu’il fut un temps où les cimetières bruxellois avaient repris la mode des galeries funéraires enterrées venue d’Espagne et d’Italie. Ce furent les seuls exemples existant en Europe du Nord.

Au XIXe siècle, les églises avaient perdu leur vieux monopole d’enterrer les morts et les communes pouvaient dès 1804 ouvrir des cimetières. Celui de Laeken fut le premier, en 1868, à construire de très grandes galeries funéraires sous terre, tant était grande la volonté des familles riches d’être enterrées près de la demeure du Roi. Les Vaxelaire, Poelaert, Van Volxem, Bockstael voulaient y être. Ces galeries longues parfois de 500 m sont en rénovation depuis 15 ans et seront rouvertes au public à la fin de l’année.

Le cimetière de Molenbeek suivit rapidement la mode. Les galeries funéraires avaient l’avantage d’être plus économes en place (Molenbeek connaissait un boom démographique à cause de l’industrialisation), plus rentables (les frais de concession) et plus hygiéniques. Mais il n’y avait pas que cela, car quand on a creusé les galeries, le reste du cimetière était encore largement vide. Les galeries étaient en réalité à la mode à une époque où on avait encore un vrai culte des morts.

Six couches superposées

Le cimetière de Molenbeek a été créé en 1864 sur les plans de l’architecte Joseph Praet. En 1880 déjà, on commença à construire ces galeries funéraires et on y ajouta une grande coupole de béton en 1905. On ne connaît pas les noms des architectes mais on pense qu’il s’agit des « inspecteurs des travaux » Rysman et Janssen.

Au total, 2500 personnes furent enterrées dans ces galeries où les caveaux, tous individuels, sont superposés sur six couches dans l’allée centrale de 70 m de long. Chaque caveau a sa plaque commémorative en marbre et avait ses éléments décoratifs dont il ne reste parfois que des traces : photos du défunt sur porcelaine, fleurs de porcelaine, crochets à fleurs, cabochons, mains enlacées symbole de liens, etc. Parfois, deux caveaux sont unis par une même plaque au souvenir d’un couple.

Quasi toutes les tombes ont des inscriptions en français, la seule langue officielle alors. A l’angle des galeries, les places plus petites étaient réserves aux enfants morts de moins de dix ans.

Au-delà de la rotonde monumentale (dont la coupole aujourd’hui fait concurrence à celle proche de la basilique de Koekelberg), on découvre deux autres galeries, non enterrées cette fois, couvertes, et à colonnades néoclassiques.

« La vie est un sommeil »

Dans les années 1960, la verrière qui protégeait la galerie principale a été démontée et l’eau s’est infiltrée, amenant rapidement les galeries à l’état de ruines. Il y a 10 ans la Région et la commune décidèrent de les faire restaurer par le bureau d’architecture Origin spécialisé dans la restauration des monuments historiques.

Origin a choisi de laisser au maximum les tombes en l’état et on n’a touché à aucun corps. On voit toujours les belles coulures vertes, mauves ou noires laissées sur les divers marbres. Le bureau a refait à l’identique les pièces trop abîmées, a restauré les murs, toits et colonnes et refait la coupole qui est une des premières constructions en béton (non armé). Origin a construit aussi une nouvelle verrière contemporaine pour protéger les galeries des intempéries.

L’entrée des galeries est surmontée de deux sarcophages en pierre de France (il n’y a quasi aucun symbole religieux dans toutes les galeries). Et de part et d’autre, on a refait à l’identique deux grandes plaques de marbre de Carrare sur lesquelles on peut lire ces belles phrases : « La vie est un sommeil. Mourir c’est renaître. On n’approche jamais de la mort avec plus de calme que lorsqu’au déclin de la vie on a pour consolation le souvenir du bien qu’on fait ». Et de l’autre côté, cette inscription : « Le vrai culte consiste dans les bonnes moeurs et la pratique des vertus ».

Une vraie cité des morts, un peu comme à l’île de San Michele à Venise.

Cimetière de Molenbeek-Saint-Jean, 537 chaussée de Gand. Accès libre

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