Europalia "à la croisée des chemins"
Après 15 ans à sa tête, Kristine De Mulder quitte la direction d’Europalia. Rencontre
Publié le 24-11-2016 à 20h17 - Mis à jour le 24-11-2016 à 20h20
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Exposition Après 15 ans à sa tête, Kristine De Mulder quitte la direction d’Europalia.Le 1er janvier prochain, Kristine De Mulder quittera son poste de directrice générale d’Europalia qu’elle occupait depuis quinze ans pour céder le relais à Koen Clement, 52 ans. Celui-ci, après des études de langue et littérature françaises (KULeuven) et d’économie (Vlerick Business School, Gand), fut directeur général du journal "De Morgen" en 1994 avant de partir en 2008 à Amsterdam, diriger le groupe néerlando-belge WPG Uitgevers. L’heure d’un bilan pour Kristine De Mulder.
"Même si cela n’avait pas été l’heure de ma pension, j’ai toujours pensé que quinze ans était la bonne longueur pour un poste. Pour moi, comme pour Europalia, il était temps de changer. Comme il y a quinze ans lorsque j’ai repris Europalia, le festival se trouve à la croisée des chemins et il faut maintenant le repenser."
En 2002, le conseil d’administration d’Europalia avait été rechercher cette historienne de l’art (VUB) qui participa à des fouilles au Liban et qui dirigeait depuis quinze ans la communication à la Royale belge. Europalia était alors en crise. Créé en 1969, le festival avait connu ses heures de gloire mais, après le couac sur un Europalia Turquie annulé, le festival avait eu la mauvaise idée de devenir annuel, sans moyens financiers suffisants ni assez de temps de préparation et de choisir, en plus, des pays de l’ex-Europe de l’Est, moins "sexy".
Le résultat fut catastrophique : moins de cent mille visiteurs par festival, loin du million atteint précédemment.
Le meilleur souvenir ? La Russie
Kristine De Mulder eut la chance d’arriver au bon moment, quand le festival redevint biennal et refit l’Italie (2003) qui s’avéra être un grand succès à nouveau. Ensuite, il y eut la Russie (2005), l’Europe (2007, thème décidé dans l’urgence après le désistement des Etats-Unis), la Chine (2009), le Brésil (2011), l’Inde (2013) et la Turquie (2015) avec chaque fois, entre un demi-million et un million de visiteurs. Elle a préparé les deux éditions suivantes : l’Indonésie en 2017 et la Roumanie en 2019 (l’année où ce pays présidera l’Union européenne).
Son plus beau festival ? "La Russie et cette exposition magnifique sur l’avant-garde à Bozar. Il y avait côté russe, des gens merveilleux, d’une grande culture et la culture russe est extraordinaire". Aujourd’hui serait-ce possible, avec les tensions russo-européennes ? "On l’oublie, ce ne serait plus possible."
Elle se souvient aussi de ce "grand moment" que fut l’expo "Le grand atelier" durant Europalia Europe, "à laquelle 200 institutions européennes ont travaillé !"

Kristine De Mulder (DR)
Le choix du pays partenaire (et co-financeur) avec qui sera monté ce grand festival pluridisciplinaire unique en Europe, est toujours très délicat : risques politiques, droits de l’homme, etc. Le cas de la Turquie le montre. "On est passé juste avant les gros problèmes avec la Turquie. Mais déjà ce fut compliqué avec les changements induits par quatre élections. Aujourd’hui à nouveau, ce ne serait plus possible. Les choses peuvent être très fragiles."
"Europalia n’est pas un festival des Etats, on ne travaille pas avec les ministères. Il est organisé par une équipe artistique indépendante. Pour la Chine, on a pu obtenir qu’Aï Weiwei soit commissaire d’une expo ! Les festivals ne sont pas politiques en soi, même s’il y a forcément une influence politique, ils sont artistiques et veulent montrer chez nous dans les dizaines d’institutions partenaires d’Europalia, ce que créent les artistes du pays hôte."
Les Europalia qu’elle aurait voulu faire aussi ? "Un pays africain, les pays scandinaves, et même la Syrie, un jour, où j’ai fait des fouilles avec la VUB."
Européaniser, rajeunir
Les défis de demain sont multiples : tenir compte des équilibres communautaires belges, trouver des financements car "par exemple, le sponsoring ne marche plus avec de nombreux centres de décisions de grandes entreprises qui ont quitté la Belgique."
"Il faudra aussi convaincre les gens qu’Europalia parle du monde d’aujourd’hui et n’est pas le festival qu’ils croient. Europalia a plus de nécessité que jamais dans un monde où il est urgent d’apprendre à connaître l’Autre pour mieux le comprendre."
Deux des lignes nouvelles d’Europalia seront l’européanisation et les jeunes. "En 2017, autour de l’Indonésie, il y aura des événements Europalia à Lisbonne, Londres, Vienne, Amsterdam, avec des échanges d’artistes, des résidences d’artistes, des expos où on montrera la perception qu’on a de l’Indonésie en partenariat avec les musées de Leyden et Teruvren. Europalia doit être très vivant avec de la création nouvelle et la parole laissée aux artistes. On lancera ainsi un concours de jeunes commissaires d’expositions. Europalia a presque 50 ans, mais on doit montrer aux jeunes qu’on reste dans l’air du temps".