Le chat amuse la galerie
- Publié le 27-02-2017 à 07h38
- Mis à jour le 27-02-2017 à 15h01
Au centre culturel bruxellois De Markten, une expo ludique qui parle d’art et de chats.On ne pouvait pas faire expo plus dans l’air du temps. Les vidéos de chats balancées sur les réseaux sociaux se partagent plus que toute autre information, alignant un nombre de vues faramineux, en milliers ou en millions. Avec la personnification de l’information conjointe à la massification de la conso vidéo sur le Web, des tonnes d’aventures de chats ont déjà été scénarisées par des propriétaires amoureux de leur félin d’intérieur. On pense notamment au chat nippon Maru, égérie des consommateurs de vidéos à tendance comique et obsessionnelle, fascinant par sa capacité à amuser la galerie.
Un musée pour mon chat
Amuser la galerie, c’est sans doute ce qui a dû traverser l’esprit de Françoise Baronian. Amuser la galerie mais pas n’importe comment.
Quand elle était petite, Françoise Baronian aimait déjà les chats. Et ça n’a pas changé : Françoise Baronian aime toujours les chats. Dans les grands espaces du centre culturel De Markten, à Bruxelles, sa petite silhouette passe d’une pièce à l’autre, où s’expose en ce moment, son musée portatif, son idée à elle, son bébé, "Le musée du chat".

Le projet du "Musée du chat" n’est pas tout neuf. Très établie dans le milieu de l’art belge, Françoise Baronian tient avec son conjoint Albert Baronian rue Isidore Verheyden, à Ixelles, une galerie à la couverture artistique pointue depuis plusieurs années. Un parcours professionnel qui lui a donné l’occasion de croiser nombre d’artistes. Autant de rencontres prolongées, transformées en amitié et qui l’ont souvent invitée à parler de son dada (le premier ou le second en ordre d’importance avec l’art ?) : le chat.
Et ça tombe bien, les artistes avaient quelque chose à dire sur Monsieur Félin. C’est ainsi qu’elle collecta une somme de pièces de Araki, d’Eric Croes, de Ben même - qui lui signa personnellement un portrait de chat ronchonnant…

La création d’un collectif ami du chat
De la coterie artistique que forment Catherine Mayeur, Carine Bienfait, Xavier Canonne et Michel Baudson, heureux membres avec les Baronian de l’ASBL Musée du chat, aucun ne s’inquiéta de savoir s’il y aurait assez de pièces pour ce "musée", leurs collections personnelles seraient substantiellement suffisantes.
L’un des fameux compères, Xavier Canonne, directeur du musée de la Photographie de Charleroi, synthétise en un texte hommage l’idée initiale : "Quatre millénaires à le fréquenter n’ont pas suffi à dégoûter le chat de l’homme malgré les tourments que celui-ci n’eut de cesse de lui infliger au long d’un patient compagnonnage qui le voit aujourd’hui devenu ‘animal de compagnie’[…] Pareille obstination lui valut la célébration des peintres, des sculpteurs, des poètes et des musiciens." Ce que Françoise Baronian vérifie en nous ouvrant sa collection personnelle.

Une chambre musée
C’est ainsi que l’on retrouve à De Markten, les pièces qui nous avaient plu ou émues dans sa maison. La ribambelle de manekinekko porteurs de chance s’alignait au-dessus du frigo; désormais ils font coucou aux visiteurs à l’étage supérieur.
Tout ce décor intime (de broches, de coupelles, de porte-bonheur), encadrait l’espace de jeu du jeune chat de M. et Mme Baronian, Babelutte - qui parfois daignait s’arrêter pour jeter un œil aux œuvres exposées. Un Andy Boot, une ombre chinoise de Marcel Broodthaers… Mais rapidement, Babelutte préférait courir après sa baballe. Pour ce qui nous concerne, la visite dure plus longtemps.

De la chambre au musée
Dans la vitrine, dès l’entrée de l’expo, on retrouve les petites statuettes égyptiennes représentant Bastet, la déesse à tête de chat, qu’on avait vues exposées dans la chambre de Françoise Baronian, et qui rappellent les quatre millénaires de relationnel humain-félin. La galeriste se fait spécialiste : "La civilisation égyptienne, société d’agriculteurs, avait trouvé dans le chat un compagnonnage efficace pour faire la sécurité dans les greniers à blé. Et lorsque le chat venait à décéder, ces maîtres se rasaient la tête en signe de deuil."

Chat et souris
L’expo ne pouvait passer à côté de ce duo de dessin animé. Mais si Wang Du dépeint la prédation de notre société (cf. notre photo); le petit trou de souris de Juan Muñoz creusé dans le mur du musée et intitulé "Waiting for Jerry", installe quant à lui le visiteur en terrain familier. On n’est plus au musée mais un peu comme à la maison. D’ailleurs, il y a trop de bruits, rien à voir avec le silence habituel et concentré d’une galerie. Il faut dire que les vidéos signées Adel Abdessemed font du potin. L’artiste franco-algérien a filmé des chats berlinois errants à qui il offre un bol de lait : miaulements assurés. Le chat aux aguets est pour l’artiste une métaphore du migrant toujours sur le qui-vive.
Mais parce qu’un chat n’est pas l’autre, certains félins sont plus comiques (ceux de Tango), ou plus complexes que d’autres. C’est le cas du chat de Marcel Broodthaers avec qui l’artiste belge réalisa un entretien. Quand l’artiste demande à son chat, ‘Et ceci, ce n’est pas une pipe ?’, son chat demeure perplexe. Et laisse la question de la représentation mimétique ouverte… Une réponse char (rmante) qui nous laisse le loisir d’une visite sans prise de tête.

"Le musée du chat", jusqu’au 26 mars. A De Markten, 5 rue du Vieux Marché au grain, à Bruxelles. Infos : www.demarkten.be et info@lemuseeduchat.com