Biennale vidéo Malines : l’art face à l’injustice du monde

Guy Duplat
Biennale vidéo Malines : l’art face à l’injustice du monde
©Otobong Nkanga, Remains of the Green Hill, 2015, video still, 5’48’’, exhibition view of “Comot Your Eyes Make I Borrow You Mine” at Kadist, Paris, photo: Aurélien Mole and courtesy of the artist

« Contour », la Biennale de l’art vidéo à Malines présente 25 artistes du monde entier préoccupés par l’injustice.

Une des oeuvres les plus fortes donne le ton de cette 8e Biennale « Contour » à Malines. Une installation de deux artistes Indiens vivant à Dharamshala parmi les Tibétains en exil : Ritu Sarin&Tenzing Sonam. Sur plusieurs écrans, défilent des images terribles de la répression par l’armée chinoise. Au milieu de la salle, un grand moulin à prières de cuivre, couvert d’une écharpe blanche, tourne lentement, une clochette sonne à chaque tour. Sur le moulin, un film montre l’automutilation par le feu d’un Tibétain et dans une vitrine les lettres d’adieu laissées par d’autres Tibétains qui ont choisi de mourir par le feu pour protester.

Un film très émouvant suit le parcours de Namdol Lhamo qui fut enfermée 12 ans dans la terrible prison de Drapchi pour avoir, comme nonne, chanté pour l’indépendance. Elle est aujourd’hui exilée à Bruxelles et s’occupe de vieillards dans une maison de retraite. Un film qui est une méditation sur l’injustice internationale et la solitude de l’exil politique.

La commissaire est l’Indienne Natasha Ginwala qui fait partie du team curatorial de la prochaine Documenta de Kassel et Athènes. Elle a choisi 25 artistes des quatre coins du monde, dont plusieurs collectifs d’artistes, tranchant sur l’idée de l’artiste individuel européanocentré. Son thème est celui de la Justice comme moyen de lutte possible des peuples. Elle explique son souci d’encourager chez les artistes « l’indisciplinarité ».

Contour demande du temps aux visiteurs. Les oeuvres sont réparties sur six lieux de la ville. Le départ a lieu au centre d’art actuel, « De Garage », en face de la cathédrale où on peut recevoir un guide du visiteur en français avec un plan.

Biennale vidéo Malines : l’art face à l’injustice du monde
©Ritu Sarin & Tenzing Sonam, Drapchi Elegy, 2016, film still, courtesy of the artists

Les selfies du singe

Un conseil : ne cherchez pas à tout suive. A côté d’oeuvres plus conceptuelles ou très longues (comme le procès de Liebknecht et Rosa Luxemburg reconstitué par Ana Torfs), il ne faut pas manquer, au Garage, en dehors des Tibétains, la vidéo envoûtante d’Ho Tzu Nyen (Singapour). Elle dure 6 heures mais quelques minutes suffisent pour être pris par les images d’un groupe humain étrange, mêlé à des cyborgs et une musique planante. « Personne n’est une île, chaque homme est un morceau du Continent » entend-on.

On voit aussi au Garage l’ensemble du Canadien Arvo Leo autour d’une « sculpture » créée par une pièce d’auto fondue dans un grand incendie et coulée par hasard dans une termitière ! Qui est l’artiste ?

On retrouve cette question à la Maison échevinale où on s’interroge sur le singe qui a pris des selfies et le médium qui a pu dessiner exactement le portrait d’un disparu.

Là, il faut s’arrêter à l’installation de la Nigérianne, vivant à Anvers, Otobong Nkanga, qui interroge nos sociétés face à l’exploitation des ressources minières en Afrique. Il ne faut pas rater le film drôle et nostalgique du Vienamien d’Hanoï, Trinh Thi Nguyen qui revisite l’histoire de son pays à travers les films des années 60 sur la guerre au Vietnam et leur « romantisme», de Godard à The Deer Hunter pour conclure ave des images à la Duras : « Le Vietnam a gagné sa révolution, moi j’ai perdu la mienne ».

La Canadienne Judy Radul trouble en montrant une vidéo dont les images sont en fait captées en direct de la rue voisine.

A la Maison du Grand Saumon, le collectif australien Kaarabing Film raconte l’histoire réelle de quatre jeunes indigènes poursuivis par la police pour avoir ramassé quatre bières oubliées. Qui sont les vrais voleurs ? Eux ou ceux qui exploitent leurs terres ?

Dans les combles, une étrange et belle installation méditative d’un Colombien.

A « L’entrepôt industriel », une installation et quatre vidéos dont celle drôle et éclairante de la jeune Italienne vivant à New York, Adelita Husni Bey. Elle a mené un jeu de rôle de trois jours avec un groupe d’étudiants à Rome pour « jouer la démocratie » : avec des jeunes jouant les banquiers, les travailleurs, les activistes, etc. On s’y croirait.

--> Biennale Contour 8, Malines, jusqu'au 21 mai. En semaine de 9 à 17h, fermé mercredi. Week-end, de 10 à 18h. Départ depuis De Garage en face de la cathédrale. Infos : www.contour8.be

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