Edith Dekyndt, la plasticienne belge sur tous les fronts
Publié le 17-03-2017 à 11h57 - Mis à jour le 17-03-2017 à 11h58
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De Bozar à Venise en passant par Tourcoing et Berlin, elle occupe la scène nationale et internationale. Rencontre. Voici un an, Edith Dekyndt exposait en solo de manière assez retentissante au Wiels où une série d’œuvres créées pour l’occasion s’appuyaient sur l’histoire du lieu. L’année 2017 lui apporte un lot d’expositions qui confirment l’intérêt international pour son travail, tant du côté des institutions que dans le secteur privé des collectionneurs et galeries. En ce moment elle est en résidence chez Pinault à Lens et expose au Fresnoy à Tourcoing. En même temps elle prépare l’œuvre qu’elle présentera à la Biennale de Venise et celles tout aussi inédites qu’elle montrera en la galerie Konrad Fischer à Berlin, en avril prochain. Sélectionnée par le jury parmi les quatre lauréats, elle participe pour la première fois au Belgian Art Prize à Bozar (lire "La Libre" du 14 mars), dès ce 17 mars. Parcours en ces expositions en sa compagnie.
Le processus, pas le projet
L’exposition du Fresnoy (nous en reparlerons) présente des œuvres anciennes adaptées ou réactivées pour lesquelles le processus créatif est primordial et expérimental car le résultat proposé d’un lieu à l’autre n’est pas identique. Il dépend de données scientifiques et d’analyses in situ qui modifient la réalisation finale. Pour ce, elle travaille avec des chercheurs très spécialisés : un radiesthésiste qui analyse les vibrations du sol ensuite traduites chromatiquement selon l’échelle de Bovis, un biologiste qui a travaillé sur les acides aminés d’une protéine spécifique du lys dont des bouquets sont répartis dans la salle. Les captures sont adaptées en ondes sonores et lumineuses. Un monde imperceptible nous est transmis ! "Je m’intéresse à tout, dit-elle, particulièrement aux neurosciences mais je ne pars jamais d’un projet, je suis constamment dans l’intuition, dans le processus, dans l’émotion et dans l’expérience. Tout peut retenir mon attention et à partir de là je commence à travailler la plupart du temps avec l’aide de scientifiques de multiples disciplines. Si le résultat me satisfait, je continue, si pas, j’abandonne." Elle ne fait pas de différence fondamentale entre l’art et la science. Dans les deux disciplines, la recherche et l’expérimentation vont de pair.
Bouger pour modifier les angles
Après une résidence d’artiste au Daad à Berlin, elle a décidé de s’installer dans cette ville "qui regorge d’énergie et de possibilités pour les artistes" à tel point qu’elle y fait construire un nouvel atelier. En attendant, depuis janvier, elle est l’invitée du collectionneur François Pinault pour une résidence de neuf mois à Lens. "Une résidence apporte énormément. On change d’environnement, de lieu, d’entourage humain et l’on perçoit les choses sous un autre angle. J’aime bouger, j’ai réalisé des résidences au Canada, en Thaïlande, au Mexique… Celle de Lens m’a permis de disposer du lieu adéquat pour réaliser la pièce qui sera présentée à la Biennale de Venise. Je viens de la terminer !" Malheureusement le contrat signé avec la biennale est strict, elle ne peut rien révéler. On apprendra juste que "ce sera une très grande installation éphémère qui demande une logistique considérable et pose des problèmes de transport. Christine Macel, la commissaire, m’a donné carte blanche" ! Un programme de performance accompagne l’œuvre. "Pas uniquement pour les journées de vernissage, il a été établi d’avril à novembre, de manière à ce que le public puisse en profiter."
Une barrière de défense
Plus proche de nous, le projet pour le Belgian Art Prize, construit à Bruxelles, vient également de se terminer. Il prendra place dans la salle courbe des Antichambres du Palais des Beaux-Arts. "La nouvelle grille du monde m’a influencée, les attentats, l’élection de Trump, la violence, mais également le lieu, son histoire de centre d’art bourgeois. J’ai conçu un rideau de scène, en velours, blanc cassé, d’environ trente mètres de long. Grâce au travail de 30 volontaires, il est percé d’une multitude de clous qui pointent vers les visiteurs, une sorte de barrière de défense. En face, et en relation, des films d’archives seront diffusés."
Luxe et violence
Dernière étape actuelle avant d’autres départs vers l’Inde et le Brésil, l’exposition chez Konrad Fischer à Berlin. Une galerie internationalement très réputée. "A part quelques participations, je n’ai travaillé que tardivement avec des galeries, c’est donc assez neuf." Aujourd’hui à Bruxelles, elle est représentée par Greta Meert, une autre pointure internationale. "Jusqu’à présent je m’étais interdit éthiquement de me servir de matériaux animaux. Mais voilà qu’un assistant a trouvé une boîte contenant des peaux tannées de très belle qualité. Elles ont été abandonnées par une grande maison d’objets de luxe. Comme je ne les ai pas achetées, je vais les traiter avec des motifs géométriques… avec une agrafeuse, ce qui fait référence aux perles des Indiens des plaines mais il y a un côté violent."