Le Bauhaus revisité à l’Art & Design Atomium Museum
Publié le 18-03-2017 à 08h58 - Mis à jour le 18-03-2017 à 13h04
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La rétrospective "#itsalldesign" redessine la légende et l’héritage du mouvement pluridisciplinaire. L’Art Design Atomium Museum (Adam) accueille pour la première fois une exposition du Vitra Design Museum, une rétrospective réflexive, sur le mouvement Bauhaus (1919-1933), conçue par Jolanthe Kugler, curatrice au Vitra Design Museum.
Intitulée "Bauhaus #itsalldesign", l’exposition nuance le mythe attaché à l’école allemande pluridisciplinaire créée à Weimar, en 1919, par l’architecte Walter Gropius.
Jolanthe Kugler pointe en exemple la "lampe Bauhaus" de Wilhelm Wagenfeld (1924), avec son pied de métal moderniste et son globe blanc aux proportions parfaites : "Les quatre grands principes que revendiquait le Bauhaus étaient qu’un objet doit être fonctionnel, être produit en masse, ne pas être cher et être beau. Cette lampe est une merveille de design, mais éclaire peu, doit être montée à la main et coûte cher parce que ses matériaux sont onéreux…"
Nonobstant, le Bauhaus influence toujours les arts appliqués et le design thinking - terme contemporain - ou pensée créative totale. "Holistique" dit Jolanthe Kugler, qui l’a mise en application en faisant dialoguer des créations d’hier avec des pièces d’aujourd’hui, certaines créées spécialement pour l’exposition.
Des débuts difficiles
Structurée en quatre parties, l’exposition revient sur le contexte historique dans lequel émerge le Bauhaus, aux lendemains de la Première Guerre mondiale. La République de Weimar est soumise aux dommages de guerre. Les matières premières et l’argent manquent. Une des premières contributions du Bauhaus fut la conception graphique par Herbert Bayer de billets d’inflation pour la province de Thuringe, que l’on peut découvrir en début de parcours.
Pourtant, moins de quatre ans après sa création, le Bauhaus tient sa première exposition. Une série de vingt cartes, où chaque membre de Bauhaus avait dû illustrer sa vision métaphorique de ce que devait être selon le Bauhaus, casse un premier mythe : Kadinsky, Klee ou Moholy-Nagy ont chacun une interprétation différente.
La deuxième partie de l’exposition, la plus importante en surface, présente des meubles et objets emblématiques. Loin d’être ultramodernes, raffinées, constituées de matériaux industriels, les créations de la période Weimar sont des pièces encore brutes, prototypes uniques et fabriqués la main.
L’apogée à Dessau
C’est à Dessau, où l’école s’installe en 1925 dans le bâtiment moderne conçu par ses membres, que le Bauhaus commence à livrer les pièces liées à son identité - que l’on peut revoir à l’exposition. L’école est alors à son apogée, avec quelque 200 élèves.
Marcel Breuer dessine la chaise B3 dite Wassily, assemblage simple et élégant de tubes d’acier et de bandes de cuir. Wilhelm Wagenfeld conçoit la machine à café en verre Sintrax ou les récipients et plats en verre Kubus.
Mais, encore une fois, ces pièces ne sont alors fabriquées qu’en petite quantité. Leur diffusion à grande échelle ne se fera qu’à partir des années 1960 - popularisant l’esthétique Bauhaus.
Mais il faudra attendre les années 2000 pour que la vocation démocratique du Bauhaus soit rencontrée par des héritiers comme Konstantin Grcic dont la "Pipe table" conçue pour Muji en 2009 est accessible à toutes les bourses tout en étant une merveille design minimaliste.
L’aura qui entoure encore le Bauhaus est sans doute le plus grand accomplissement de Walter Gropius. La communication visuelle - troisième partie de l’exposition - fut parfaitement maîtrisée par le Bauhaus. A tel point qu’on attribue souvent à l’école l’invention de la police de caractère Futura, qu’elle utilisait pour ses affiches et ses publications - elle le fut en réalité par Paul Renner pour la fonderie Bauer. Les quatorze livres consacrés chacun à un artiste, publiés de 1919 à 1933, tous exposés, sont un parfait exemple de l’identité graphique caractéristique du Bauhaus.
L’héritage
La quatrième partie consacrée à l’espace met en avant les réflexions sur le logement, l’architecture et l’aménagement urbain - minimalistes et fonctionnels - que portèrent deux des trois directeurs du Bauhaus : le fondateur, Walter Gropius, et le dernier, Ludwig Mies van der Rohe. Gropius visait une conception totale d’un habitat moderne "de l’appareil électroménager le plus simple au logement complet". Si les projets furent nombreux, les réalisations concrètes furent rares, l’exemple le plus connu restant la cité de Dessau-Törten (1926).
Ce que le Bauhaus a infusé, et que met en lumière #itsalldesign, est la modernité, l’universalité du design et son approche totale - globale, dirait-on aujourd’hui. Mais son héritage paradoxal est qu’une pièce labellisée Bauhaus est loin d’être accessible au commun des mortels tandis que le vœu de démocratisation d’un mobilier fonctionnel s’est traduit par la ravageuse production de masse, alliée au consumérisme.
Musée Adam, pl. de Belgique, 1020 Bruxelles. Jusqu’au 11/06. www.adamuseum.be
Aux sources du Bauhaus
Monde nouveau. Né de la fusion de l’Institut des arts décoratifs et industriels (que fonda et dirigea le Belge Henry Van de Velde de 1901 à 1914) et de l’Académie des beaux-arts de Weimar, le "Staatliches Bauhaus" devait former des créateurs rompus à toutes les disciplines artistiques - architecture, beaux-arts, photographies, typographie. Il s’agissait de construire un monde neuf, sur les ruines de l’ordre ancien qui avait provoqué la Première Guerre mondiale. Bauhaus serait "une école sans professeur ni élève, mais avec maîtres, compagnons et apprentis", artistes complets, qui devraient, à terme, contribuer à une restructuration de la société - socialement plus égalitaire - en rendant accessible à tous des objets et habitats fonctionnels et élégants.