Musée d'Orsay: les grands paysages mystiques de Monet à Kandinsky
Publié le 20-03-2017 à 11h10 - Mis à jour le 20-03-2017 à 18h56
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Très belle exposition au musée d’Orsay sur le spirituel dans l’art, de Monet à Kandinsky, menant à l’abstraction.
L’exposition sur « Le paysage mystique » au musée d’Orsay est passionnante. Elle analyse comment, de Monet à Kandinsky, peindre le paysage a pu être une « mystique sans la foi » et mener à l’abstraction.
On y voit comment l'art a survécu à la « mort de Dieu », à la question du mal et du bien dans un monde sécularisé, comment l'artiste est devenu ce démiurge, ce capteur d'infini, ce catalyseur des forces de la nature. Et comment il est resté plus que jamais à la recherche d'une transcendance mystique ou dionysiaque.
L'artiste, même après Nietzsche, cherche toujours ce qui le dépasse. Nietzsche grimpait déjà aux sommets de l’Engadine pour se laisser submerger par le sublime du paysage et Turner était déjà fasciné par une tempête ou un brouillard. La singularité de ces peintres éclaire un peu le « désenchantement du monde » dont parlait déjà Max Weber.
L’exposition débute par une succession de chefs-d’œuvre bien connus. On y montre comment Monet, dans les variations sur les « Meules » et la « Cathédrale de Rouen » cherche à créer un sentiment de transcendance, à provoquer la contemplation, à capter l’écoulement du temps.

Maurice denis (1870-1943): La Procdession sous les arbres 1893
Baudelaire
Baudelaire écrivait alors que « La Nature est un temple où l’homme passe à travers des forêts de symboles qui l’observent avec des regards familiers ». Les Nabis comme Maurice Denis évoquent des « bois sacrés », épurant leurs tableaux avec des aplats de couleurs vives et irréelles, cherchant une « vision de l’âme » proche de l’abstraction comme on le voit dans un magnifique tableau du peintre méconnu, Jan Verkade.
On admire bien sûr Gauguin, pourtant athée proclamé, avec la « Lutte de Jacob » et son bouleversant Christ roux dans le jardin des Oliviers, plongé dans ses pensées, les belles mains croisées. Ce Christ a la tête douloureuse de Gauguin lui-même.
On retrouve l’idée du sublime dans la nature chez Klimt, Kandinsky, Emile Bernard ou chez le trop méconnu Henri Le Sidaner que cite Marcel Proust dans la Recherche du temps perdu. Un peintre « qui parvient à faire sentir le silence », écrivait Verhaeren.
On voit bien à l’expo comment ces « paysages mystiques » sont un chaînon entre le symbolisme et l’abstraction, stade suprême du « spirituel dans l’art » pour reprendre Kandinsky.

Gauguin (1848-1903): Le Christ au jardin des oliviers 1889
Découverte canadienne
Une des belles découvertes est la salle consacrée aux peintres canadiens, souvent inconnus chez nous : Harris, MacDonald, Lismer, Varley, etc. L’expo d’Orsay est d’ailleurs coproduite par le musée des Beaux Arts de l’Ontario à Toronto. Au début du XXe siècle, de jeunes peintres y découvrent les artistes scandinaves et inventent des paysages réduits à l’essentiel, aux lignes de force secrètes et mystérieuses de la nature, comme le saisissant « Isolation Peak » de Lawren S. Harris.
L’expo s’intéresse aussi à d’autres moments « mystiques » comme la nuit. Van Gogh disait : « J’ai un besoin terrible de religion, alors je vais la nuit dehors pour peindre les étoiles ».
On montre les paysages à l’inquiétante étrangeté de Degouve de Nuncques et les places vides de Bruges la morte de Khnopff. Maeterlinck écrivait qu’il fallait que l’art soit des « grandes routes qui mènent de ce qu’on voit à ce qu’on ne voit pas ».
Les paysages dévastés par la guerre de Nash, Schiele ou Vallotton sont alors comme une nuit intérieure avec la beauté dérangeante du mal. L’exposition se termine par la quasi-abstraction d’un Munch montrant le soleil éblouissant et Georgia O’Keefe ramenant le paysage à une grande croix noire.
--> Au-delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky, Musée d’Orsay, jusqu’au 25 juin, infos : musee-orsay.fr. Avec Thalys, Paris est à 1h20 de Bruxelles, 25 trajets par jour.