Métier : réparateur des Pol Bury
Publié le 21-03-2017 à 12h35 - Mis à jour le 21-03-2017 à 12h37
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L’art moderne pose des problèmes de conservation nouveaux. Exemple avec les moteurs de Pol Bury.
L’art moderne et contemporain pose de nouveaux problèmes de conservation. Que fait-on par exemple quand des néons des oeuvres de Dan Flavin ou François Morellet ne fonctionnent plus et qu’on ne vend plus de tels néons ?
Les œuvres cinétiques de Pol Bury posent aussi des problèmes spécifiques de restauration. Un mois après l’ouverture de la rétrospective de l’artiste à Bozar, Paul Gillard est déjà de retour à Bruxelles pour assurer la maintenance des dizaines d’oeuvres présentées. Il a été l’assistant de Pol Bury, de 1980 à sa mort en septembre 2005. Depuis, il continue ce travail au sein de l’atelier Bury à Perdreauville près de Mantes-la-Jolie, dans la grande banlieue parisienne pour le compte de Velma Bury, la veuve de Pol.
Il y assemble les nouveaux exemplaires des grandes fontaines avec les pièces qui viennent de la chaudronnerie. Il répare, restaure, veille aux transports.
« Pour ce qui est de la mécanique de ses oeuvres, Pol était un autodidacte doué, nous raconte-t-il, il faisait tout lui-même jusqu’aux années 70. C’étaient des oeuvres en bois. Ensuite avec l’aluminium et la grande taille des sculptures, il a eu des assistants dont moi et a fait appel à des ateliers métallurgiques. »
Réduite la vitesse
Il y a quelque 70 fontaines-sculptures de Bury en activité dans le monde dont la plus grande « toujours en marche, les moteurs hydrauliques sont très simples » est au Japon depuis 1994, à Yamagata. « Pour les grands fontaines, Pol faisait des maquettes en balsa. Je réalisais alors une maquette grandeur nature en hêtre pour vérifier que tout tournait bien et ensuite, on passait commande à la chaudronnerie. »
Paul Gillard s’est ainsi occupé de la remise en marche des fontaines pour l’expo au parc de Seneffe en 2004 et de celle des deux fontaines sculptures au Palais-Royal à Paris, à côté des colonnes de Buren. Elles avaient été recouvertes par les extensions de la Comédie française et furent remises en marche en 2015 pour la rétrospective Bury à l’espace EDF.

« Les oeuvres à Bozar ont des mécanismes simples. C’est un moteur qu’on remplace sans souci s’il se casse ou est grillé quand le propriétaire se trompe sur la tension à appliquer. Au moteur est lié un réducteur de vitesse qui doit amener la rotation à seulement un tour toutes les 3 à 5 minutes. Afin d’arriver à ce mouvement quasi imperceptible, mais bien là, que voulait Bury. Le remplacement des réducteurs pose plus de problèmes car les nouveaux sont plus résistants mais plus grands. Ils ne rentrent plus dans l’œuvre qu’il faut alors « épaissir » en augmentant la distance entre l’œuvre et le mur. »
Le moteur entraîne alors une came qui elle-même entraîne souvent une grille sur laquelle sont fixés des « fils ». Ces fils qu’on voit sur l’avant de ses oeuvres aux titres poétiques : « Ponctuations molles » ou « érectiles milles », ou sur laquelle se trouvent les fils qui font bouger (tomber ou redresser) des bouts de bois comme dans ces jouets où on pousse pour faire tomber ou redresser un animal.
Affaires de fils
Les anciens fils en nylon (ou cordes de piano) se détendent ou cassent parfois, « normal quand on sait que beaucoup d’oeuvres datent des années 60. On les remplace par des fils en carbone plus résistants et qui ne bougent pas. La plupart de ces oeuvres sont rarement en mouvement chez les collectionneurs alors qu’à une expo elles marchent sans arrêt. C’est pour éviter de « fatiguer » l’œuvre que de nombreux collectionneurs demandent qu’on ajoute à l’œuvre exposée à Bozar un « timer » qui procure des temps où l’œuvre repose. »
Malgré son expérience, Paul Gillard ne sait pas toujours dire si l’oeuvre est en marche ou non et doit s’approcher tout près pour entendre le bruit éventuel. « On ne doit pas entendre le moteur et les mécanismes mais on peut entendre les frottements de l’œuvre afin de sentir qu’elle bouge ».
Pol Bury, Time in Motion, Bozar, Bruxelles, jusqu’au 4 juin