Camille Pissarro, le premier des impressionnistes, en verve au musée Marmottan
Publié le 22-03-2017 à 15h23 - Mis à jour le 22-03-2017 à 15h25
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Un parcours chronologique de l’œuvre de l’ami de Cézanne et Monet, qui réserve néanmoins des surprises.Il y a près de quarante ans que Camille Pissarro (1830-1903) n’avait plus connu pareille fête parisienne. Souvent évoqué, vu, apprécié à travers ses œuvres du musée d’Orsay mais, par ailleurs peu mis en valeur, alors qu’il fut le premier impressionniste.
Un peu comme si l’histoire se répétait, qui mit du temps à reconnaître ces artistes de la marge qui eurent l’audace de sortir leurs chevalets des ateliers pour les planter en pleine nature et défier la lumière.
Pour chronologique, classique, l’accrochage n’en réserve pas moins ses surprises. Venu de Saint-Thomas, dans les Antilles, à Paris en 1855, Pissarro se contenta rarement d’acquis successifs dans un art de peindre qui n’avait jamais été aussi libertaire.
Proche de Monet et Cézanne
Ami de Monet et de Cézanne, aujourd’hui mieux valorisés, Pissarro, s’il rayonnait en compagnie d’intimes complices de ses actes de bravoure, souffre encore de sa modestie et d’une personnalité qui préféra la campagne à la ville.
Si Pissarro ouvrit la voie à l’impressionnisme et s’il adhéra aux quêtes divisionnistes de Seurat et Signac, il ne fut pas, contrairement à Monet ou Cézanne et, plus tard Van Gogh et Gauguin, un déclencheur de la modernité.
A son crédit : avoir défendu Cézanne quand personne n’en voulait, avoir été le premier maître de Gauguin. Il fut aussi le seul à participer aux huit expositions impressionnistes à partir de 1874.
Humaniste, proche du quotidien des petites gens, il fut un révolutionnaire de la peinture à une époque où se fomentaient diverses révoltes et révolutions, sociales, politiques, industrielles.
Lumières, couleurs
Linéaire, le parcours apparaît complet, des premières œuvres dans les environs de Paris aux séries urbaines, vues de Rouen, Dieppe, Le Havre, Paris. Et si l’exposition s’ouvre sur un "Autoportrait" d’un Pissarro fier de sa grande barbe blanche, la suite nous plonge dans son monde habité de lumières et couleurs.
Au début, l’héritage de Corot et de Daubigny est indéniable et Pissarro obtint leur aval. Sa peinture est champêtre, bucolique. Quand il s’installe à Pontoise en 1866, puis à Louveciennes trois ans plus tard (il déménagea souvent), sa peinture est saluée par Zola, et Monet devient son complice sur le motif.
La guerre franco-prussienne de 1870 le voit filer en Mayenne puis à Londres où il retrouve Monet et, quand il rentre en France en 1871, il trouve sa maison ravagée, ses toiles perdues. Retour alors à Pontoise (où, de nos jours, lui est consacré un musée). C’est, flanqué de Monet et Caillebotte, qu’il jette les bases du groupe d’artistes indépendants, bientôt connus, ou plutôt nargués, sous label impressionniste.
Près de Giverny
De 1873, "Gelée blanche à Ennery", une toile chargée d’impressions sensibles, conservée à Orsay. Les toiles de l’exposition ont été prêtées par les plus grands musées internationaux, à l’instar de ce "Chemin montant, rue de la Côte-du-Jalet, Pontoise", peint en 1875 et propriété du Brooklyn Museum. Plusieurs sont inédites.
En 1884, Pissarro s’installa à Eragny-sur-Epte, près de Giverny, où vit Monet. Il y mourut dix-neuf ans plus tard après s’y être repu de larges prairies et d’une vie paysanne qui fit son bonheur. Il dit alors : "Je ne fais plus attention qu’au temps, aux nuages, au soleil, aux feuilles qui poussent lentement et aux fleurs des arbres fruitiers."
Loin d’être révolutionnaire par ses sujets, sa peinture l’était par sa manière d’apprivoiser les transparences et chromatismes lumineux. "La petite bonne de campagne", de 1882, et "La charcutière", de 1883, deux toiles détenues par la Tate de Londres, sont des joyaux.
Néo-impressionniste un moment, Pissarro revint à ses anciennes manières plus spontanées en 1890. L’ultime registre de l’exposition s’attarde sur ses vues urbaines. Retenons-en : "La Seine à Rouen", 1868, et ses effets de brouillard; "Les boulevards extérieurs" (Paris, 1879) et ses halos neigeux; "La Place du Théâtre français et l’avenue de l’Opéra" par temps de brouillard, 1897; "Le Pont Boieldieu, Rouen", 1898, sous le brouillard encore…
Musée Marmottan, 2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris. Jusqu’au 14 janvier 2018. Catalogue, Hazan, 210 pages en couleur, 29 euros. Infos : www.marmottan.fr