Quand l’art des jardins rejoint l’Art
Publié le 22-03-2017 à 08h37
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Ne vous fiez pas au seul titre de cette exposition au Grand Palais à Paris. « Jardins » ne signifie pas qu’on sera dans une foire aux plantes et au matériel de jardin. Mais « Jardins » est pourtant un titre bien choisi, car c’est à une vraie promenade dans un jardin dense et plein d’oeuvres d’art magnifiques que nous convie Laurent Le Bon, directeur du musée Picasso et commissaire de cette exposition.
C’est un fou d’art et de jardins. Depuis des années, il notait tout ce qu’il voyait en rapport avec sa passion. Il en a fait ce cheminement qui sent l’herbe fraîche et le cabinet de curiosités.
La visite des jardins suscite un enthousiasme toujours croissant du public mais l’art du jardin n’est pas considéré comme un grand art. Cette exposition « jardiniste » veut défendre le jardin comme forme d’art et ses créateurs comme des artistes.
Il n’y a pas de chronologie dans l’exposition qui montre des oeuvres (450 au total !) de tous genres, de la Renaissance à aujourd’hui, mêlées au matériel du jardinier.
Le parcours démarre sous cette phrase d’Aragon : « Tout le bizarre de l’homme et ce qui qu’il y a en lui de vagabond, et d’égaré, sans doute pourrait-il tenir dans ces deux syllabes : jardin ».
Emile Claus
Une grande fresque antique de Pompéi représentant un jardin, accueille le visiteur. A côté, un dessin d’une finesse incomparable de Dürer avec la Vierge dans son jardin et un grand dessin de Penone avec des empreintes de plantes sur le papier. Plus loin, des nuages par Constable.
Ainsi va le chemin, entre surprises et beautés. On y aborde les plantes avec Herman De Vries, délicieux artiste hollandais qu’on avait vu à la Biennale de Venise, faisant des tableaux de plantes trouvées et cette photo d’une mauvaise herbe devenue sublime.
On y retrouve les précieux herbiers de Jean-Jacques Rousseau et Paul Klee, on voit comment la plante influença le dessin de Picasso. Dans une vitrine, des échantillons d’un collection de bois. A côté un grand arbre à l’envers de Rodney Graham et une écorce de Jeff Wall.
Puis ce sont les fleurs avec leurs photographes (Man Ray) leurs dessinateurs (Pierre Joseph Redouté surnommé le Raphaël des fleurs), leurs peintres (les marguerites de Caillebotte, les soucis de Koloman Moser).
Le maître des lieux est bien ce jardinier imposant peint par Emile Claus (tableau venu de Liège). Cézanne aussi a peint un jardinier, plus modeste. Celui de Claus est entouré d’une collection ancienne d’arrosoirs et d’outils avec des céramiques végétales de Johan Creten.
Entre jardins et peinture, le lien est direct. Le poète et abbé Jacques Delille disait : « Un jardin, à mes yeux, est un vaste tableau, soyez peintre. » Monet soignait ses nymphéas. Matisse disait : « Je me suis fait un petit jardin où je peux me promener ». L’expo montre ses feuilles d’acanthe en papiers découpés. Pour Foucault : « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde, et puis c’est la totalité du monde .»
Pérennité du vivant ?
Dessiner les jardins, revoir les jardins des plaisirs peints par Watteau et Fragonard. Ceux des impressionnistes avec Monet, ceux de Bonnard, Klimt. Ceux d’aujourd’hui avec un splendide Gerhard Richter et une série de photographies de Wolfgang Tillmans (comment se vit un jardin public).
Le jardin se fait nostalgique avec les godillots crasseux du jardinier, sous la brume dans les photographies d’Atget et celles de Josef Sudek dont on a admiré récemment une rétrospective au Jeu de Paume.
Le cinéma est convoqué (dont « L’arroseur arrosé »).
Le jardin est fragile. Le grand paysagiste Gilles Clément résume l’enjeu : « La planète doit être regardée comme un jardin. Alors brusquement, les gardiens de l’enclos, l’humanité, devient responsable de la pérennité du vivant. Si la Terre est un jardin, quels en sont les jardiniers ? »
L’artiste allemand Wolfgang Laib résume l’enjeu par deux petits cônes de pollens jeunes de fleurs de châtaigniers : « Les montagnes où l’on ne grimpe pas ».
Sinon, nous serons à nouveau chassés du Paradis terrestre qui n’était après tout qu’un jardin.

« Jardins » au Grand Palais, Paris, jusqu’au 24 juillet. Avec Thalys, Paris est à 1h20 de Bruxelles, 25 trajets par jour.