Arts plastiques : Les déboulés de Pol Bury
Publié le 26-03-2017 à 11h37 - Mis à jour le 26-03-2017 à 11h48
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/7MEQNUSTIJA55GQPTFW3TETUII.jpg)
Le Palais des Beaux-Arts, à Bruxelles, salue un Bury de pied en cap. Soixante ans de travaux qui alternent surréalisme, géométrie, cinétisme, mouvement.
Pol Bury (1922-2005) fut un habitué des salles d’exposition conçues par Horta pour le temple des beaux-arts bruxellois. Il y exposa souvent, en solo ou en groupe, fut, à sa façon, un élément moteur de la dynamique du Palais sous Giron d’abord, sous Geirlandt ensuite.
Venue dix ans après sa mort, cette rétrospective est mieux qu’un hommage toujours aléatoire. Elle donne à voir le parcours total d’un homme qui n’aura jamais craint de s’ériger au-dessus des mêlées. En franc-tireur certes, mais aussi en audacieux que rien ne rebutait tant que l’inertie.
C’est même si vrai qu’à un moment donné, ses sculptures/structures en bois, en acier inoxydable, se sont mises à bouger, à cligner de l’œil au passant, imperceptiblement, mais à bouger corps et âme, l’esprit, chez lui, n’étant jamais loin d’un goût avivé pour l’humour persifleur.
Car il y a de l’humour dans la création de Pol Bury, l’art salvateur de la contrepèterie, du verbe fin ou de la pirouette tranchante, s’arrogeant des droits que le bon goût, parfois, aurait réprouvé si Bury ne s’était assis dessus façon de rire, pas fou, entre deux fous rires.
Surréaliste façon Magritte
Né à Haine-Saint-Pierre, à deux pas de La Louvière, dont il deviendra un chantre rebelle, y fomentant une révolution aux accents de Montbliard et Daily Bul avec son copain André Balthazar, aval d’Achille Chavée en bandoulière, il était juste et salutaire qu’il entrât non pas en religion mais en art, les deux pouvant se rejoindre pourvu qu’il n’y fût point question de dogmes, sous la férule d’un surréalisme qui, d’écrits en peintures, y régnait en pôle conquérant.
Ses premiers essais picturaux doivent à Magritte ce que tout artiste à ses débuts doit à ceux qui l’ont précédé. C’est la loi du genre et il n’y a rien à y redire. Daté de 1940, "La fin du christianisme" est un tableau très magrittien, comme l’est "La serrure" de 1945.
Son surréalisme fera long feu car, dès 1948, on le voit tendre vers l’abstraction française, lyrique et toute-puissante. Un bon tremplin pour rejoindre Cobra d’abord, la Jeune Peinture belge ensuite.
Franc-tireur, disions-nous. On lui doit ce mot révélateur : "Mon séjour chez CoBrA m’a fait découvrir que les groupes étaient utiles à condition d’en sortir, car - qu’on le veuille ou non - on finit toujours par devenir des boy-scouts : on s’organise, on organise. Certains deviennent les bons, d’autres les mauvais. On s’érige en juge, et le conformisme n’est pas loin."
En 1950, Bury visita, à Paris, une exposition d’Alexander Calder et le goût du mouvement s’empara de lui. D’où des mobiles, des multi-plans, des girouettes et un abandon de la peinture de chevalet. A partir des plans mobiles, Bury a introduit le mouvement dans son travail et celui-ci le taraudera jusqu’au bout.
Et de là à ajouter un moteur à des compositions qu’il ne serait, du coup, plus nécessaire de toucher, et hop, la cause fut entendue. En 1953, dans la foulée, il signait avec des amis le manifeste du Spatialisme : une redéfinition de l’abstraction, désormais triplement magnifiée : temps, durée, mouvement.
Toutes les pièces à conviction des déboulés successifs de Bury s’étalent à suffisance dans cette exposition majeure et festive : le regard, y a du boulot !
Nouvelles techniques, nouveaux modes de production, Bury entend, comme d’autres différemment, associer art et vie quotidienne. "J’allais abandonner le chemin du magasin ‘Matériel pour artistes’ pour celui de la quincaillerie, où on allait bien sûr me poser une question à laquelle je ne pouvais répondre : ‘C’est pour quoi faire ?’"
Et tout s’enchaîne
Multiple et particulier en ses domaines, Bury surprend quand il écrit, quand il joue, quand il invente. Ses écrits sont des sommets de dérision et de lucidité. Ses ramollissements plastiques déniaisent le regard et le Daily Bul n’en est pas encore revenu !
Il se met aussi à jouer, jongler, avec les boules, œuvres de bois qui défient perception et rythmes. Et, plus tard, ses "Ponctuations", petits points érectiles et mobiles sur panneaux de bois, sont à saisir dans un instant qui dure infiniment, toujours le même et toujours différent.
Ses "Reliefs" en mouvement sont captivants, comme le sont ses partitions cinétiques, les unes et les autres pouvant se combiner. Il faut aller voir Bury pour savoir. Tout y est jeu, comme tout y est règle de vie. Son succès fut international dès 1960. Il s’installa à Paris. Suivront ses "Meubles" faits de récupérations, son langage visuel fait de cubes, boules et pyramides. Ses sculptures mobiles et sonores toujours plus monumentales et ludiques. Enfin, ses "Fontaines", résumé définitif de ses magies à répétition.
Bozar, rue Ravenstein, 1000 Bruxelles. Jusqu’au 4 juin. Impeccable catalogue Fonds Mercator et Bozar Books. 40 euros. Infos : www.bozar.be
Bio Express
26 avril 1922 : Naissance à Haine-Saint-Pierre (La Louvière).
1940 : débuts surréalistes.
1948 : abstraction, CoBrA, Jeune Peinture belge.
1950 : entre en mobilité après avoir découvert Calder.
1953 : Manifeste du Spatialisme et Reliefs.
1959 : devient un artiste cinétique : Ponctuations érectiles.
1960 : expose à New York et reconnaissance internationale.
27 décembre 2005 : décès à Paris.