Camille Claudel après la gloire, a son musée

Guy Duplat
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©musée Camille Claudel, photo: Marco Illuminati

A Nogent-sur-Seine, nouveau musée Camille Claudel, muse de Rodin et grande sculptrice, avec 43 de ses oeuvres.

Ce week-end, s’est ouvert à Nogent-sur-Seine, un nouveau musée, consacré à Camille Claudel (1864-1943). On en parlait depuis des années, mais l’ouverture était sans cesse reportée. Il s’ouvre en contrepoint du centième anniversaire de la mort de Rodin.

Il est appelé à connaître un beau succès car le mythe fonctionne toujours. Depuis le best-seller d'Anne Delbée (« Une femme »), le film avec Isabelle Adjani et celui de Bruno Dumont, Camille Claudel est devenue une icône people, un archétype féministe, une artiste maudite aujourd’hui adulée, dépassant même en notoriété Rodin, son amant jupitérien !

Pourquoi à Nogent-sur-Seine ? Cette petite ville de 6300 habitants, située à une heure de train à l’est de Paris, en Champagne, avait accueilli la famille Claudel de 1876 à 1878 quand le père de Camille et Paul (le poète et dramaturge) y avait la charge de conservateur des hypothèques. C’est là que la jeune Camille, qui n’a que 12 ans, montre déjà des dispositions étonnantes pour la sculpture. Son père troublé par cette vocation si précoce en parle au grand sculpteur local, Alfred Boucher qui encourage vivement Camille à continuer et l’envoie à Paris dans l’atelier du grand Rodin, ce qui scellera son destin.

L’intime

La petite ville a vu depuis longtemps l’intérêt d’ouvrir un tel musée. En 2008, elle réussissait à acquérir un lot exceptionnel de sculptures de Camille Claudel auprès de sa petite nièce Reine-Marie Paris, pour 13,5 millions d’euros.

C’est autour de cette collection –enrichie d’achats et de prêts – que le musée est bâti et montre 43 sculptures d’elle.

Le musée est en partie installé dans l’ancienne maison des Claudel, aménagée par l’architecte Adelfo Scaranello qui y a ajouté une aile neuve en briques et verre. Au total, le musée 1300 m2 d’expos dont 1000 m2 pour les collections permanentes. L’investissement a été de 12 millions d’euros.

Les amoureux de Camille doivent être patients, car dans le parcours de 15 salles (des « white cubes»), seules les cinq dernières sont dédiées à Camille. Les salles précédentes exposent en plus de cent oeuvres, la sculpture française au XIXe, à l’époque de Camille. On y retrouve des artistes fort oubliés depuis comme Paul Dubois et Alfred Boucher. Des oeuvres inégales, parfois spectaculaires, qui ont le mérite aussi de mettre en lumière la nouveauté radicale apportée par Rodin et Camille.

On expose côte à côte les œuvres du maître et de l’élève, de l’amant et sa maîtresse : le buste de Rodin en Zeus par Camille, les deux femmes accroupies, l’une de Rodin, l’autre de Camille, montrant les influences réciproques. « La valse » fut le premier chef d’œuvre de Camille : un couple tendrement enlacé où la femme repose sa tête sur l'épaule de l'homme, où les mains se touchent à peine, où les corps nus se frôlent dans une grande tendresse. La sculpture est en déséquilibre, comme menacée de disparaître, comme la passion. Camille Claudel nous touche tant car elle fut la première à mêler l’intime à son œuvre pour lui donner une portée universelle, annonçant Louise Bourgeois ou Frida Kahlo.

La Gorgone

De nombreuses oeuvres célèbres de Camille Claudel explicitent le drame qu’elle vécut. Rodin en avait fait sa meilleure assistante (les pieds et les mains de « la porte de l'enfer » sont d’elle). Il devint son amant passionné et lui promit le mariage mais jamais Rodin ne se résolut à quitter sa femme et Camille, lassée, lui fermera sa porte en 1897, elle a 33 ans.

Elle continua quelques années à brûler encore d'un génie fragile avant de sombrer dans la clochardisation. Dès la mort de son père en 1913, sa famille l'enferma dans un hôpital psychiatrique où les médecins diagnostiquèrent une paranoïa de persécution. Elle y mourut.

Le groupe de trois personnages de « L'âge mûr » exprime ce drame : l'homme (Rodin sans doute), quittant la belle jeune femme qui le supplie de rester (Camille) pour rejoindre la vieille compagne (Rose Beuret). C'est le testament de Camille. Comme l’est la terrible sculpture de Persée et la Gorgone qui clôture le parcours où elle se représente tête coupée, regard mort.

--> Musée Camille Claudel, Nogent-sur-Seine, fermé le lundi, www.camilleclaudel.fr

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