L’art moderne et contemporain arabe s’expose à Paris, pour aller vers l’autre
Cent peintures de la Fondation Barjeel montrées à l’Institut du monde arabe.
Publié le 30-03-2017 à 11h13 - Mis à jour le 30-03-2017 à 11h14
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En s’inscrivant dans un temps donné et un lieu spécifique, certaines expositions d’art, trop rares, dépassent de très loin le seul but artistique assigné.
Par leur inscription dans le tissu socio-politique et leur présence en institution, elles deviennent des phares en débordant de la vie culturelle pour rejoindre l’actualité dans des questionnements fondamentaux du moment.
C’est précisément le cas de l’exposition d’une centaine d’œuvres de la Fondation Barjeel à l’Institut du monde arabe (Ima) à Paris dont le commissaire est le Belge Philippe Van Cauteren, directeur du Smak à Gand.
Aujourd’hui, dans le monde, la question du monde arabe divise, engendre polémiques, positions farouchement antagonistes, violences et guerres. Aucune œuvre d’art ne sauvera le monde, et la culture elle-même est impuissante face à la force meurtrière.
Pourtant, une exposition comme celle-ci, à Paris, aujourd’hui, dans le climat politique tendu aux enjeux nationaux et internationaux colossaux, pourrait participer d’une meilleure compréhension de l’autre par l’approche d’une culture méconnue.
Une autre histoire de l’art
Dans la seconde partie de l’exposition, un néon, œuvre de l’artiste français Kader Attia, d’origine algérienne vivant entre Berlin et Alger, ne manque pas d’attirer l’attention : "demo(n)cracy". Sur un jeu de mots, elle cible l’hégémonie culturelle occidentale, le colonialisme et "le mythe d’une idéologie politique" à visée universelle. Comme si l’Occident seul avait développé une culture pour tous. Au détriment des particularismes culturels.
Dans son ensemble, l’exposition montre à satiété l’influence prépondérante des arts européens auprès des artistes modernes et contemporains de ces pays. Pourtant, à y regarder de plus près, c’est-à-dire au-delà des aspects formels, on s’aperçoit que sous les couleurs et dans les sujets, s’expriment des attachements profonds aux racines et des visions politiques.
Dans son interview, Philippe Van Cauteren loue la liberté des choix du collectionneur, sa subjectivité et ajoute avec raison que certains artistes "n’ont d’importance qu’à ses yeux, mais qu’à sa manière il ‘corrige’ une certaine grande histoire de l’art telle qu’elle s’impose". Et c’est exactement ce qui est proposé, découvrir des œuvres, et comme nous le disait Jack Lang, président de l’Ima, "la particularité, la richesse et les beautés de l’art arabe".
Critères d’appréciation
A l’exception de quelques-uns tels Adel Abdessemed, Marwan, Mohammed Cherkaoui, Walead Beshty, Kader Attia, voire le Syrien Abdalla Omari (vit à Bruxelles) auteur d’un portrait d’Obama en sans-abri, la plupart des artistes nous sont inconnus.
Tous ne sont pas du même niveau, loin s’en faut. Quelques-uns s’expriment picturalement dans les voies et les images traditionnelles et les autres s’engagent dans la figuration ou l’abstraction, voire l’installation. On n’est ni dans la nouveauté, ni dans l’esthétique mode ou avant-gardiste, mais les artistes tiennent des propos à décoder selon leurs critères.
Ainsi, une excellente toile grise d’Asim Abu Shakra, et d’autres œuvres, prendront tout leur sens quand on saura que le cactus est un signe de résistance en Palestine, que le petit ours sculpté par Khaled Jarrar est en béton provenant du mur de séparation entre la Palestine et Israël ou que les signes talismaniques et écritures chinoises et arabes entremêlées dans les encres de Rachid Koraïchi sont un cheminement spirituel vers la sagesse.
L’exposition nous donne à voir un art d’ouverture vers une culture humaniste, sociale et politique.
---> "100 chefs-d’œuvre de l’art moderne et contemporain arabe". La collection de la Fondation Barjeel. Institut du monde arabe, 1rue Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed V, 75005 Paris. Jusqu’au 2 juillet. Du mardi au vendredi de 10h à 18h, samedis, dimanches et jours fériés jusqu’à 19h.
---> Catalogue, 208 p., divers textes et entretiens, chaque œuvre est illustrée et commentée, éd. Snoeck. 25€.