Les fêtes de Karel Appel, figure de proue de Cobra
Publié le 06-04-2017 à 11h57 - Mis à jour le 06-04-2017 à 11h58
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Le musée d’Art moderne à Paris honore l’artiste néerlandais d’une rétrospective champagne.L’art est une fête !" est-il écrit en multicolore, signe avant-coureur et mise en appétit pour une démonstration vite enlevée sur le grand braquet de l’expression sans frontières du peintre et sculpteur néerlandais Karel Appel (1921-2006), figure de proue du mouvememt Cobra, auquel le musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre une rétrospective, honorant une donation de la Karel Appel Foundation (vingt-et-une peintures et sculptures).
A l’aune de l’incipit précité, l’accueil se fait avec une installation tardive qui n’a perdu ni sa verve ni son sens de la dérision : quatre têtes de baudets hennissent de leurs plus belles dents. L’un a un avion sur la tête, les autres un parasol, signes évidents d’une vie à hue et à dia entre plaisirs perturbateurs.
A contre-courant
Né à Amsterdam et décédé à Zurich , Karel Appel est enterré au Père-Lachaise, comme pour rappeler les bons souvenirs de sa vie à Paris entre 1950 et 1977. Il vécut aussi à New York.
Né paysan dans un village au Nord d’Amsterdam, Karel Appel n’a jamais renié ses origines. Au contraire, il les a exacerbées dans un art à contre-courant de l’art ambiant fin des années quarante. Il a rué dans les brancards de l’abstraction toute-puissante avec des peintures et sculptures apparentées, d’une part, aux dessins d’enfants, de l’autre, aux élucubrations folles des créateurs du rebut.
En 1948, il participa, avec Constant et Corneille, au Groupe expérimental hollandais et, dans la foulée, à la mise sur pied du Groupe Cobra, bien connu en Belgique, avec à sa tête Christian Dotremont, le penseur d’un aéropage qui réunit prioritairement des plasticiens et poètes de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam (d’où Cobra), mais aussi des Français comme Atlan et Doucet.
Figures de proue d’un mouvement de courte durée (1948-1951) : Asger Jorn, Constant, Appel, Alechinsky. Il s’agissait pour eux de contrecarrer le surréalisme dogmatique et l’art abstrait par une explosion de lignes et couleurs.
Appel joua vite cavalier seul, trop indépendant, peu concerné par les discours et options politiques de quelques-uns. Installé à Paris, il fut, comme le décrit bien l’excellent Michel Ragon dans un livre de 1988, celui qui fonce, s’insurge, se bat avec la peinture et avec lui-même.
Dans ce petit livre de Ragon aux Editions Galilée "Karel Appel, de Cobra à Un art autre", Appel signe cet aveu : "Je viole la couleur. Je suis passé à coups de poing à travers le mur de l’abstraction, du surréalisme. On trouve tout ça dans mon travail… Je ne cherche jamais à faire un tableau, mais à crier."
Après Cobra, Appel fut adopté par le groupe de peintres rassemblé par le critique et écrivain Michel Tapié sous le label "Un art autre" et, quoiqu’en isolé, Appel répondait idéalement à ce défi.
Primitivisme
Tout le début de l’exposition est aussi explicite que réjouissant. On y découvre un artiste à tu et à toi avec les élans de son être, qui se sert de tout pour assouvir ses lubies, récupère le rebut des rues, en fait des sculptures. Il peint avec du vert, avec du rouge flamboyant et une peinture qui gicle du tube de couleur.
Son ami le poète Hugo Claus a écrit : "Son œuvre incarne la splendeur de la vie dans sa plus haute fréquence." Appel peint alors des portraits d’hommes et femmes, des animaux dans une joyeuse sarabande de matières.
Appel se revendique primitif, populaire, spontané. Après la visite d’une exposition des travaux d’un hôpital psychiatrique, il écrivit : "C’est la grande expo à Sainte-Anne qui m’a permis de me libérer du poids du classicisme européen."
Dans "Danseurs du désert", une huile de 1954, le trait fuse, les matières épaisses engluent le graphisme nerveux. Et la même année, il peint un "Carnaval tragique". Dans un film au cœur de l’expo, "La réalité de Karel Appel" (1961), un extrait de six minutes nous montre l’artiste en gesticulation frénétique devant et quasi dans son tableau qu’il balafre d’énergies, de couleurs, à mains nues.
Cette peinture fut réalisée sur fond musical signé Karel Appel et Dizzy Gillepsie. Car Appel était aussi poète et musicien. La suite de cette épatante exposition et son cirque bariolé sont à découvrir dans cet état d’esprit. Magnifique !
--> Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Jusqu’au 20 août, beau catalogue, 240 pages en couleurs. Infos : www.mam.paris.fr Bruxelles à 1h22 de Paris : www.thalys.com