Quoi de neuf ? Monet à Beyeler !
Exposition à la superbe Fondation Beyeler à Bâle, sur Monet et le paysage. Les génies sont inépuisables.
Publié le 13-04-2017 à 11h09
Quand on demandait à Sacha Guitry ce qu’il y avait de neuf en théâtre, il répondait : « Molière ! ». On peut reprendre la formule pour les plus grands peintres comme Monet. Ils parviennent à chaque exposition à montrer un nouvel aspect de leur génie.
C’est ce qu’on constate à la belle exposition qui se tient à la Fondation Beyeler à Bâle, sur la route des vacances. Elle a choisi Monet (1840-1926) pour fêter ses vingt ans. On ne se lasse pas depuis deux décennies de visiter ce lieu magique, certainement un des plus beaux qui soit pour une exposition. Le bâtiment de Renzo Piano reste splendide et lumineux, les collections permanentes sont uniques et le parc, au printemps, mélange les cerisiers, un grand magnolia mauve, des sculptures de Calder et d’Elsworth Kelly et la vue sur les douces collines bâloises.
L’exposition montre 62 Monet dont 15 rarement vus car venus de collections privées et 21 prêtés par des musées américains. La richesse de la collection Beyeler permet à la Fondation d’obtenir tous les prêts qu’elle souhaite.
L’exposition se concentre sur les paysages de Monet à une époque charnière de sa vie : entre la mort de sa femme en 1879 et le début du XXe siècle quand il se concentrera désormais sur son jardin de Giverny et les nymphéas.
En 1879, la révolution impressionniste est achevée et Monet accède enfin à une certaine aisance matérielle grâce à son marchand.
Son intérêt se porte alors vers le traitement de la lumière, des ombres et des réflexions sur l’eau. En réalité, le sujet peu à peu s’estompe pour arriver à des tableaux qui sont d’abord de véritables expériences de peinture. Il s’écria un jour : « Je poursuis un rêve, je veux l’impossible ».

Claude Monet, Jean-Pierre Hoschedé et Michel Monet au bord de l’Epte, um 1887-90
Kandinsky et la meule
On le voit d’emblée à la première salle avec une façade de la cathédrale de Rouen et, plus encore, avec un tableau de sa série sur les meules de foin. Le sujet disparaît quasiment, seul lui importe les miroitements et l’ombre sur le champ coupé. Kandinsky a expliqué que c’est en découvrant ce tableau de meule qu’il comprit qu’il deviendrait un peintre abstrait car la peinture en soi avait une signification nettement supérieure au motif traditionnel.
Une salle est consacrée aux représentations de la Seine, une autre aux arbres. Monet, inspiré par les gravures sur bois colorées japonaises, peignit inlassablement les arbres. On remarque sur un tableau son fils Michel et Jean-Pierre Hoschédé le fils de sa nouvelle compagne. Ce ménage recomposé vivait avec huit enfants !
Quelque peu dégagé de ses difficultés financières, Monet voyage : en Normandie, à Belle-Île, sur les bords de la Méditerranée.

Claude Monet, Matinée sur la Seine, 1897
La série de trois tableaux « Matinée sur la Seine », tout remplis de brouillard, est une vraie découverte. Il partait à l’aube sur son bateau-atelier, quand la brume était encore traînante sur le fleuve et tentait de peindre l’atmosphère changeante des petits matins. Cherchant à peindre les algues sous l’eau Monet écrivit: « J’ai repris encore des choses impossibles à faire : de l’eau avec de l’herbe qui ondule sur le fond… c’est admirable à voir mais c’est à rendre fou de vouloir faire ça. »
En norvégienne
Dans son tableau « En norvégienne », on voit trois filles habillées de blanc, les belles-filles de Monet, en train de pêcher depuis une barque sur l’Epte. Le vrai sujet, ce sont les formes serpentines que Monet cherche à capter sous l’eau verte.

Claude Monet, En Norvégienne, 1887
En voyage à Londres, il se place dans le sillage de Turner qu’il admirait tant, pour peindre la capitale anglaise dans le brouillard. « Sans le brouillard, disait-il, Londres ne serait pas une belle ville. C’est le brouillard qui lui donne son ampleur magnifique ».
Une dernière salle ne fait alors qu’évoquer le terme de cette quête. Peu à peu l’horizon dans ses tableaux s’est élevé. Cette fois il n’existe plus. On est plongé dans l’eau, ses reflets, ses nymphéas. Le peintre demandait à son jardinier de placer les nymphéas chaque jour autrement dans les étangs. Pour aboutir à ces chefs-d’oeuvre qui annoncent tout l’art du XXe siècle.
---> Monet, lumière, ombre et réflexion, Fondation Beyeler, Riehen (Bâle), jusqu’au 28 mai.
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