Les créations en récréation de Berthet
Publié le 14-04-2017 à 20h54 - Mis à jour le 14-04-2017 à 20h57
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Entre deux BD, l’auteur de "Pin Up" s’offre une exposition thématique. Les fans de Philippe Berthet peuvent se réjouir : le dessinateur racé du "Privé d’Hollywood" ou de la série "Pin-Up" est de retour avec une double actualité. D’une part, "Motorcity", troisième titre de sa collection "Ligne Noire", vient de sortir en librairie (lire encadré). D’autre part, il présente une quarantaine de peintures originales, regroupées sous l’intitulé "Only You", dans la galerie bruxelloise d’Huberty Breyne.
Si ce n’est pas la première fois que l’auteur de bande dessinée expose ses œuvres, il n’avait jamais conçu une exposition thématique. "J’en avais marre de la BD", dit-il en préambule et en boutade. Non, bien sûr, Philippe Berthet n’a pas envie de se ranger des planches. Mais il précise : "Depuis trente ans, j’enchaîne un album après l’autre. J’ai à peine terminé l’un que j’entame les recherches du suivant." "Only You" lui a offert "une récréation" pendant quatre mois.
L’objet du plaisir graphique de Philippe Berthet fut, encore une fois, exclusivement féminin. On reconnaît sa patte - ou, plutôt, ses lignes, aussi élégantes que sensuelles. Mais, d’emblée aussi, on distingue les nuances qui font la spécificité de cet exercice légèrement différent pour lui.
A quatre mains
La toile qui accueille le visiteur, "Casting", portrait d’une jolie blonde au chapeau rouge, dégage un ouaté qui la distingue de ses jumelles de bande dessinée.
De surcroît, le tableau est cosigné avec Dominique David, compagne et coloriste de l’artiste. Une poignée d’autres peintures de l’exposition ont également été réalisées à quatre mains.
L’une d’entre elles est même signée avec la fille de Philippe Berthet. Plus énigmatique, elle dégage aussi une ambiance chromatique très différente de celles auxquelles Berthet nous a accoutumés.
"J’ai peu d’expérience picturale, avoue Philippe Berthet. Les mises en couleurs que j’ai réalisées par le passé sont essentiellement caractéristiques de la bande dessinée." La démarche fut, ici, plus expérimentale. La majorité des peintures de l’exposition a été réalisée sur des cartons - dont la matière et le brun sont parfois intégrés dans la composition.
La femme haute couture
S’il subsiste aussi en début de parcours quelques pin-up dévêtues - réalisées pour son noyau dur de fans - l’ensemble des élégantes que l’on découvre au fil du parcours sont, au contraire, bel (les) et (très) bien vêtues. "J’ai eu envie de travailler sur l’image de la femme haute couture et vintage. Les vêtements des années 50-60 sont très graphiques."
D’une œuvre à l’autre, on perçoit le balancier stylistique d’un auteur de bande dessinée qui reconnaît avoir encore du mal "à [se] lâcher". D’autant plus que Philippe Berthet, tout en souhaitant fournir une proposition artistique différente, n’a pas voulu "déstabiliser ceux qui connaissent [son] travail".
Pourtant, ici ou là, comme pour "La Femme du Torero" ou "Muse", il se libère des lignes pour jouer des aplats et des masses de couleur et tendre vers des effets graphiques ou des compositions plus stylisées.
Philippe Berthet souligne l’influence séminale de René Gruau (alias Renato Zavagli-Ricciardelli, 1909-2004), illustrateur de mode et de pub majeur des années 50-60. On en retrouve des échos dans "Vaporetto" ou "Printemps à Tokyo", qui laissent entrevoir ce que donnerait un Philippe Berthet qui se lâcherait - perspective alléchante.
Alain Lorfèvre
"Only You", Galerie Huberty Breyne, 8A rue Bodenbroek, 1000 Bruxelles, jusqu’au 10 mai.
Un “Ligne Noire” au pays de “Millenium”
Polar Avec la collection Ligne Noire, lancée sous sa direction en 2014, Philippe Berthet a souhaité sortir de sa zone de confort. Le scénario de chaque album est écrit par un auteur différent. “Je leur demande de ne pas faire du sur-mesure. Je leur dis : ‘Aidez-moi à être créatif !’” Avec “Motorcity”, Sylvain Runberg emmène Berthet en Suède – où réside le scénariste – dans une petite localité rurale, Linköping. Enfant du pays tout juste diplômée de l’Académie de police, l’inspectrice Lisa Forsberg y mène sa première enquête, sur la disparition d’un jeune homme.
Avec son partenaire Erik Linden, elle recroise le chemin de plusieurs vieilles connaissances – condisciples d’école ou professeurs – et pénètre la communauté des “raggare”, une curiosité suédoise : des toqués d’années 50, de rock et de voitures vintages, parfois bagarreurs et racistes. Si on y prête garde, on se croirait bien dans un Berthet “vintage”, où décors et ambiances fleurent bon l’“Americana” caractéristique de ses séries emblématiques.
Sur le fond, Lindberg signe un polar au soleil et en pleine nature, mais qui n’emmène pas moins le lecteur dans certains bas-fonds psychologiques. L’influence de la vague contemporaine du polar scandinave – avec ses protagonistes faussement policés mais réellement torturés – est patente, jusqu’à un final sans concession. A.Lo.
“Motorcity”, Philippe Berthet et Sylvain Runberg, Dargaud, 64 p., 14,99 €