Et si on rêvait?
Publié le 08-08-2017 à 10h41
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Le monde onirique sert de fil rouge à la 8e Biennale de photographie en Condroz.De nos jours, le rêve est ce qui se vend le plus. D’où - corollaire - cette sempiternelle déception de l’après achat, lorsque l’on se rend compte que "ce n’était que ça". Confondre le rêve avec la tension du désir, voire même la seule envie, c’est se priver des infinies ressources de l’imaginaire. Rêver, cela peut être simplement une manière de lâcher prise, de prendre du temps pour s’ouvrir à d’autres rêves ou aux rêves des autres.
A hauteur d’homme
C’est en tout cas ce que propose, pour sa 8e édition, la Biennale de photographie en Condroz à travers une série d’expositions disséminées dans les villages de Marchin et de Tahier. C’est peu dire que l’événement est aussi une invitation à la promenade dans cette campagne magnifique. Une déambulation à la découverte tout à la fois de la photographie actuelle, le plus souvent émergente, et de paysages parmi les plus beaux de Belgique. Avec toute une région - habitants, bénévoles, organisateurs, restaurateurs - mobilisés pour assurer un bel accueil et rendre la balade agréable.
Comme à chacune des éditions précédentes, le fil rouge est celui d’une thématique résolument positive. Cette fois, l’intitulé est "Rêver". Et Emmanuel d’Autreppe, le commissaire des expositions, de préciser : "A une époque où les nouvelles technologies de l’image formatent le rêve, les organisateurs ont préféré faire rêver à hauteur d’homme."
Effectivement, en cohérence avec cette biennale qui joue de la proximité, de la connivence, le spectaculaire est absent des propos de la vingtaine d’artistes exposés et cela fait plutôt du bien.
Parfois, dans le parcours, l’expérience inédite prend le dessus. On pense à cette halte dans une cidrerie toute de bois, façon datcha, lovée au fond d’un jardin. Certes, la série "Pyongyang Paris" de Didier Bizet qu’on y découvre et qui illustre le dépaysement brutal d’un Coréen du Nord sous nos contrées n’est pas sans intérêt. Cependant, parlant d’exotisme, la sensation - fût-elle brève - de calme et de beauté pour le citadin de passage l’est tout autant.
On pense aussi à cette étable avec ces images fortes de la ruralité pauvre prises en Russie par Alexandra Demenkova. Une installation quelque peu littérale, mais qui a le mérite de solliciter d’autres sens que la vue. On pense enfin à la chapelle Saint-Servais avec les photographies de petit format, on devrait dire les icônes, d’Anne-Sophie Costenoble glissées au milieu de l’imagerie religieuse. Une rencontre de deux mondes d’intériorité qui vaut vraiment le détour.
Merveilleuse
Ceci dit, quelques expositions à la présentation plus conventionnelle le valent tout autant. A commencer par la confrontation très réussie des univers d’un Karel Fonteyne loin de ses commandes de mode et du Paul Nougé de la fin des années 1920, au plus proche de la subversion du surréalisme qu’il inspira tant.
Dans une pièce contiguë, mais dans un registre très éloigné, la Française Jacqueline Roberts explore très activement la photographie elle-même, dans sa dimension tant technique qu’iconographique. Cela nous vaut un aperçu en trois images de ses réinterprétations de peintures célèbres, dont celle - superbe - des Ménines de Velasquez ainsi qu’une série de portraits réalisés au collodion humide comme en 1850. On y sent l’énergie et la boulimie d’une passionnée. Fort heureusement car, entre les travaux de la très victorienne Margaret Cameron et de l’actuelle Sally Mann, le terrain d’exploration est vaste.
On mentionnera encore la chronique sensible, merveilleuse - aux deux sens d’admirable et de féerique - d’une petite fille trisomique tenue par Sian Davey, sa maman. Sans oublier le travail classe et classique de Baudoin Lotin, la série sobre et très juste de Marie Moroni sur la résilience courageuse des Rwandaises.
Décidément, pas de doute, voilà une biennale avec une philosophie de la proximité aux gens et à la région, une biennale à hauteur d’homme qu’on aura plaisir à retrouver dans deux ans.
8e Biennale de photographie en Condroz, Marchin, Centre culturel (4 place de Grand-Marchin). Jusqu’au 27 août. Expositions ouvertes les samedis et dimanches ainsi que le lundi 14 et le mardi 15 août, de 10h à 19h. Badge 5€. Info : www.biennaledephotographie.be