Irving Penn, magicien maniaque de la beauté (PHOTOS)
Le Grand Palais à Paris célèbre en majesté Irving Penn, un géant de la photographie du XXe siècle.
- Publié le 30-09-2017 à 12h49
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On fête cette année le centième anniversaire de la naissance d’Irving Penn (1917-2009), un des maîtres de la photographie du XXe siècle. Il était le frère du réalisateur Arthur Penn. Le Metropolitan Museum de New York lui a consacré une grand exposition qu’on peut maintenant découvrir, encore plus grande, à Paris au Grand Palais, assortie d’un somptueux catalogue.
Avec 235 tirages, l’exposition montre toutes les séries les plus célèbres de l’artiste, qui firent sa gloire, souvent réalisées d’abord pour le magazine Vogue dont il fut le photographe vedette pendant cinquante ans et pour lequel il a réalisé 160 couvertures.
Il fut d’abord célèbre dès les années 50 pour le glamour de ses photos de mode. Il réinvente le genre, stylisant les modèles, dépouillant l’image, faisant des mannequins des oeuvres d’art minimalistes en noir et blanc. C’est un plaisir de voir comment ses images n’ont pas vieilli et restent merveilleuses. Son modèle fut le plus souvent Lisa Fonssagrives, premier top model de l’histoire, qui devint sa femme.
Penn était maniaque. Edmonde Charles-Roux, alors chez Vogue, disait qu’un portrait demandait quatre heures de pose !
Le studio toujours
Sa marque de fabrique est la photo de studio, sobre, avec la belle lumière qu’il y créait. Le contraire des photos sur le vif ou des photos vivantes et rugueuses de Diane Arbus. Irving Penn, c’est l’anti “moment décisif”. Avec lui, tout est calculé, étudié en studio. Plus tard, il retravailla encore ses négatifs, les imprimant au “platine”, plus performant que l’argentique pour traiter les noirs, gris et blancs.
Ses séries sur les célébrités ajoutèrent à sa gloire. Picasso, Marlène Dietrich, Duchamp, Hitchcock, Dali, Truman Capote, Stravinsky… Tous sont venus dans son studio où il prenait le temps de choisir la lumière et la pose, pour en faire une icône. Parfois, il usait d’un “truc” pour saisir la vérité du sujet comme dans sa série où il demandait aux célébrités de se “caler” dans un coin. La seule qui refusa fut Marlène Dietrich. Par ce truc, il parvenait à saisir « l’âme » de son sujet, sa vulnérabilité ou au contraire, son arrogance. Pour sa célèbre photo de Picasso avec son chapeau et l’œil central, il a noirci l’image tout autour pour ne mettre en évidence que le seul œil magique de l’artiste.
Les enfants de Cuzco
En sillonnant les rues et les pays du monde, il emportait avec lui, son studio portatif où il appliquait les mêmes règles maniaques pour atteindre une image « idéale », presque désincarnée, intemporelle. Il fit ainsi sa série sur les petits métiers qui se perdent (ramoneur, vendeurs de rues, etc.). Il prit aussi des clichés ethnographiques. Son premier reportage fut magnifique, sur les habitants de Cuzco au Pérou, pour Vogue. On découvre d’ailleurs au coeur de l’expo, exposée sur tout un mur, usée par le temps, la légendaire toile de fond devant laquelle il faisait longuement poser ses sujets. Un fond gris comme celui que Manet utilisa pour son “joueur de fifre”. Sa photo de deux petits enfant indiens de Cuzco posant pour lui, pieds nus et l’oeil grave reste superbe.
La beauté des déchets
Il cherche ses sujets en réalisant des clichés au Dahomey, en Nouvelle-Guinée dans les années 60, au Maroc. Il ne voulait pas saisir la réalité mais montrer que ces Africaines à la peau scarifiée, ces femmes arabes entièrement voilées, ces “primitifs” avec des os dans le nez, sont des vraies sculptures, avec des drapés dignes de Michel Ange et une sublime beauté.
A l’étage du Grand Palais, on voit comment Irving Penn, avec le temps, choisit des sujets bien plus singuliers encore. Ses nus par exemple où il montre la volupté dissimulée des femmes grosses aux chairs épanouies. Il avait déjà, à ses débuts, photographié des natures mortes à la manière des peintres flamands. Dans les années 70, il photographie au grand angle, des “déchets” (mégots de cigarettes, gants pourris, gobelets abandonnés, fleurs fanées) qui deviennent, avec lui, des images de pure beauté, symbolisant la brièveté de l’existence, des “memento mori”.



---> Irving Penn, au Grand Palais à Paris, fermé mardi, jusqu’au 29 janvier.