Des Jésus et des Vierges en showrooms
Publié le 11-10-2017 à 08h51 - Mis à jour le 11-10-2017 à 08h52
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Le musée M de Louvain montre la richesse et la profusion des sculptures de la fin du Moyen Age chez nous.
Le musée M de Louvain alterne les expositions d’art contemporain avec celles consacrées à l'art ancien. Sa nouvelle exposition, « Over de grens » est consacrée à « La statuaire médiévale des Pays-Bas ». Un sujet d’apparence pointu mais qui repose sur l’expertise internationale de ce musée dans ce domaine et sur ses collections propres. L’exposition présente plus de cent sculptures en bois souvent polychromes, venues du musée Suermondt-Ludwig d’Aix-la-Chapelle. La plupart furent sculptées dans nos villes à la fin du gothique (XVe et début du XVIe siècle): à Louvain, Malines, Bruxelles, Anvers.
C’était alors une véritable industrie qui vendait partout en Europe des images de piété pour les églises, monastères ou les autels privés. De toutes tailles. A partir de la moitié du XVe siècle, les retables d’Anvers étaient si prisés qu’ils étaient produits en masse et exposés dans de vrais showrooms comme on dirait aujourd’hui. II y avait, mis en vente, des retables prêts à l’emploi et d’autres semi-finis. C’est pourquoi on en retrouve jusqu’en Scandinavie et aux îles Canaries.
On voit aussi à l’exposition une série de quatre « Poupées de Malines, enfant Jésus » en bois peint, toutes semblables avec les visages ronds, les paupières lourdes, une petite fente pour les yeux et des riches boucles de cheveux bien nettes. C’était une spécialité malinoise qui se vendait très bien pour les autels et retables privés.
L’étude scientifique de cette vaste production où le meilleur alterne avec parfois le banal produit commercial reste difficile. Les vagues iconoclastes ont détruit nombre de sculptures et de sources. De plus, de nombreuses statues ont été extraites de leur contexte d’origine, notamment des églises et monastères.
Chevelure sophistiquée
Si l’exposition montre souvent des évêques en prières grandeur nature et des scènes de la vie du Christ et des saints, plusieurs sculptures sortent du lot. Comme une splendide Sainte Dorothée sculptée vers 1520. Elle tient un livre sous le bras et de l’autre main, une

main longue et fine, un petit panier. Sa coiffure et sa chevelure sont d’une surprenante sophistication. L’oeuvre est manifestement d’un très grand sculpteur.
Le grand rentable sur la légende de Saint-Pierre, réalisé en 1500-1510 est un autre moment fort. L’enchevêtrement des personnages donne le vertige.
Les oeuvres les plus belles peuvent être bouleversantes: Christ aux outrages, Ecce Homo, Christ en bronze du XIIe siècle de l’atelier de Renier de Huy, Bon larron en Croix, Piéta, visages quasi en extase.
D’autre œuvres sont des sortes de BD en bois (chêne, noyer et même parfois peuplier) ou albâtre pour raconter des anecdotes pleines de vie de l’Histoire sainte.
On connaît peu les noms de ces artistes. Hendrik Roesen est un des rares louvanistes à avoir laissé son nom comme Pasquier Borman à Bruxelles.
On peut retrouver l’origine géographique des sculptures à leurs marques: « M» (Malines), « Bruesel », une petite main (Anvers).
L’étude de cette époque doit encore être complétée pour montrer comment ces artistes et leurs sculptures voyageaient et créaient une « fertilisation croisée », chaque ville apportant sa spécificité.
Une exposition qui donne un riche aperçu d’une histoire disparue.
« Au-delà de la frontière, la statuaire médiévale aux Pays-Bas », au musée M de Louvain, jusqu’au 27 mai. Fermé le mercredi.