Eaux et lumières pour de nouvelles visions aux Halles de Schaerbeek

Aux confluents des arts de la scène, de l'art cinétique et de l'art numérique, dix artistes présentent des oeuvres hypnotiques et poétiques à la fois.

Alain Lorfèvre
Eaux et lumières pour de nouvelles visions aux Halles de Schaerbeek
©Light Drawing/Nazanin Fakoor

Dans la foulée de l’exposition Panorama 19 du Fresnoy, à Tourcoing, c’est au tour des Halles de Schaerbeek, à Bruxelles, de nuancer, avec brio, la notion trop réductrice d’art numérique dans l’exposition Visions. Huit installations et dix artistes exploitent certes la notion de flux et de séquençage, ainsi que pour certains – mais pas tous – des technologies de pointes. Mais ces dernières s’effacent derrières des œuvres qui justifient le pluriel du titre : l’art se voit, bien sûr, mais suscite aussi des images mentales : représentations, rêveries ou autres visions.

Une fontaine-sculpture

La pièce maîtresse de l’exposition est “La Matrice Liquide”, qui justifie à elle seule la visite. Son idée a germé dans l’esprit de l’artiste japonais Shiro Takatani en 20O1, lors d’une résidence d’artiste à Lille. Il imagine alors une “fontaine-robot-écrivain” qui transmettrait des messages sous forme de lettres liquides. Aucune technologie ne permet alors de concrétiser ce fantasme.

L’installation est aujourd’hui opérationnelle : un algorithme contrôle des lumières stroboscopiques et 900 électrovalves qui structurent avec une précision millimétrée la chute de gouttes d’eau qui, sous l’effet des impulsions lumineuses, remplissent la même fonction que des pixels sur un écran.

Cette fontaine-sculpture dessine des formes mouvantes dans l’espace. C’est envoûtant et poétique, apaisant aussi (attention toutefois pour les personnes photosensibles). Outre Shiro Takani, le Suédois Christian Partos et l’Allemand Ulf Langheinrich ont été invités à concevoir leur propre sculpture aquatique sur la Matrice.

Encore moins high tech, “Light Drawing” de l’Iranienne Nazanin Fakoor (plasticienne et scénographe) évoque les gonades d’un organisme aquatique ou la cartographie de flux aériens sur un écran oir. La structure lumineuse est complexe, légèrement mouvante. On dirait une image numérique, fruit de quelque programme graphique élaboré. Ce n’est pourtant qu’une simple réflexion d’un projecteur sur une immense feuille miroir. Les ondulations provoquées par les déplacements d’air – suite au passage des visiteurs, par exemple – engendrent les ondulations.

La Matrice Liquide / Shiro Takatani
©La Matrice Liquide / Shiro Takatani

Nouvelles narrations

Le numérique permet à certains artistes d’explorer de nouvelles formes de récit. Ce qu’à fait la Française Marion Tylec avec son travail de fin d’études en photographie à l’école de La Cambre/Des images fixes sont projetées selon des cycles sur quatorze écrans numériques. On devine qu’une intrigue se cache derrière “Why Do Movies Take So Long To Make ?”, mais son sens est laissé à l’imagination du spectateur, au gré du rythme imposé par l’installation.

Le même sentiment de narration non linéaire ressort du flux d’images qui s’enchaînent sur le totem d’inspiration vaudou de Maksaens Denis, constitué d’écrans HD sur une charpente métallique empaquetée comme un “Paquet Congo”, objet vaudou.

“L’Enfer” d’Epidemic, sollicite aussi l’imagination à partir de photogrammes du film éponyme et inachevé d’Henri-Georges Clouzot. Transférés sous forme de six hologrammes multiplexes, ils donnent l’impression que le fantôme de Romy Schneider hante le sous-sol des Halles.

La chorégraphe Louise Vanneste atteste aussi de la porosité de plus en plus grande entre les disciplines. “Tta/Atla #1” est une installation cinématographique immersive, premier segment d’une nouvelle création chorégraphique. Ce work in progress devient œuvre éphémère et plonge le visiteur dans une promenade en forêt mentale par le biais de l’image cinématographique et d’un sol couvert de terre.

Visions, Halles de Schaerbeek, jusqu'au 27/10. www.halles.be

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