La collection de Roberto Polo sera déposée dans deux musées en Espagne
Publié le 05-03-2018 à 12h13 - Mis à jour le 05-03-2018 à 12h15
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Le projet est assez fabuleux ! Il s’agira pour l’Etat espagnol et la communauté autonome de Castille-La Manche de la cession la plus importante d’œuvres d’art à la suite de celle de la collection Thyssen-Bornemisza effectuée en 1993. Détenteur d’une collection d’art moderne et contemporain de plus de 7 000 pièces, Roberto Polo la cède graduellement pour 15 ans renouvelables, avec projet de don définitif si tout se passe bien. Elles seront exposées dans un musée d’Etat, le Musée Roberto Polo, Centre d’Art moderne et contemporain de Castille-La Manche, comprenant deux sièges, l’un à Tolède, l’autre à Cuenca.
Les Pays-Bas espagnols
Installé à Bruxelles depuis onze ans, Roberto Polo (La Havane, 1951), cubain-américain, est apprécié en tant que mécène, collectionneur d’art du XVIIe au XXIe siècle, historien de l’art et galeriste. Ses multiples activités traduisent une passion pour l’art et la musique. Formé aux Etats-Unis, à la Columbia University, il contracte l’incurable virus du collectionneur. Approché par des autorités espagnoles, souhaitant faire don de sa collection avant son décès, il cède en un premier temps une partie de celle-ci. Une bonne gestion muséale de ce patrimoine devrait entraîner, nous dit-il, une suite plus généreuse encore.
Actuellement capitale de Castille-La Manche, Tolède fut jusqu’en 1561 la capitale d’Espagne, l’empire le plus vaste de l’histoire, avant de laisser la place à Madrid. Lorsque Charles-Quint, né à Gand, cède ses trônes à son fils Philippe II, il règne notamment sur la Flandre et les Pays-Bas espagnols, autrement dit les Pays-Bas actuels, la Belgique et le Luxembourg. Grand défenseur des arts et des lettres le jeune souverain favorisera la venue à Tolède d’architectes et de peintres flamands, italiens et néerlandais qui influencèrent les artistes espagnols. En déposant au musée des œuvres modernes et contemporaines en provenance surtout du centre, de l’Est et du Nord de l’Europe, ainsi que des Etats-Unis, Roberto Polo complète les collections espagnoles d’un volet jusqu’ici absent et recrée un lien, entre autres avec la Belgique.
Le musée de Tolède
A Tolède, où viennent environ 3 millions de visiteurs chaque année, l’Etat espagnol et la communauté autonome de Castille-La Manche ont prévu d’intégrer les œuvres dans les très vastes espaces, environ 45 000 m² de l’ensemble architectural de style mozarabe construit du XIIe au XVIe siècle, comprenant l’ancien Couvent de Santa-Fe et El Miradero adossés au Musée Santa Cruz dont le rez-de-chaussée est dédié à l’art ancien espagnol avec la plus importante collection au monde des peintures d’El Greco ! Tout l’étage de ce dernier édifice sera désormais réservé aux expositions temporaires organisées par le Musée Roberto Polo. La première sera un trio belgo-espagnol : "Mannaers, Miro, Picasso , la beauté convulsive", curatée par David Anfam. Werner Mannaers (1954, vit à Anvers) sera présent avec 40 toiles de Miro et Picasso - 20 chacun ! Une confrontation choc qui fera date pour l’artiste. Le directeur fondateur, également directeur artistique, est Rafael Sierra Villaecija et le directeur administratif Oscar Carrascosa Tinoco.
Situation idéale
D’ici à l’automne prochain, tous les espaces déjà rénovés de l’ancien couvent seront adaptés aux conditions muséales actuelles pour recevoir la collection. Un projet de réhabilitation confié à l’architecte espagnol Juan Pablo Rodriguez Frade. Dans l’édifice de deux étages avec coursives extérieures, les salles sont spacieuses, bien éclairées, de dimensions variables permettant des accrochages dynamiques. Des patios extérieurs accueilleront des sculptures monumentales et des projets spécifiques. L’entrée du musée se situera on ne peut mieux, au sommet de l’escalator que doivent emprunter les visiteurs de Tolède arrivés par train, car ou voiture ! Ajoutons que l’ancienne maison familiale d’El Greco, El Armiño, sera mise à disposition pour les bureaux de la Fundacion Coleccion Polo, résidence de fonction du mécène, résidences et ateliers d’artistes et résidences de chercheurs. Ouverture prévue en automne 2018.
Aperçu de la collection
La grande originalité sera celle des œuvres de la collection qui proposera un regard différencié sur l’art selon une approche scientifique. L’accent est placé sur des artistes singuliers, souvent moins connus que d’autres représentés partout, mais assumant pleinement une œuvre parfois pionnière, en tout cas se distinguant le plus souvent des chemins balisés. Pour la plupart des visiteurs, les choix du collectionneur (126 artistes) seront de l’ordre de la découverte d’autant plus qu’ils remettent en question l’habituelle histoire de l’art linéaire et séquentielle. Pour la Belgique, un focus sera placé sur les pionniers de l’abstraction tels Marthe Donas, Pierre-Louis Flouquet, Paul Joostens, Karel Maes, Jozef Peeters et Victor Servranckx, aux côtés des Oskar Schlemmer, Kurt Schwitters, Laslo Moholy-Nagy… Quelques Américains se nomment Walter Darby Bannard, Thomas Downing, Howard Mehring et Larry Poons. Quant aux Belges contemporains, on citera Mil Ceulemans, Carl De Keyzer, Joris Ghekiere, Xavier Noiret-Thomé et Jan Vanriet.
Un écrin historique pour le XXIe siècle
Située au centre de l’Espagne, entre Madrid et Valence, Cuenca, commune d’environ 60 000 habitants, est une cité dont la vielle ville médiévale est plantée héroïquement sur les rochers qui tombent à pic sur les gorges impressionnantes de la magnifique vallée formée par le fleuve Jucar et son affluent le Huecar. Authentique cité musée répertoriée au Patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco, tout comme Tolède, ses maisons en surplomb de la vallée, sa cathédrale et ses musées dont la Fondation Antonio Perez et le Musée d’Art abstrait espagnol (Tapies, Saura, Chillida, Millares…), sont des attraits culturels et historiques de premier plan. C’est dans cet écrin naturel d’exception que prendra place le futur Musée Roberto Polo consacré à l’art du XXIe siècle. Pour accueillir cette partie de la collection, Castille-La Manche va libérer un bâtiment historique situé majestueusement sur la colline. Il abrite actuellement les Archives historiques provinciales.
Lieux définitifs et temporaires
Deux à trois ans de travaux seront nécessaires pour que s’effectue le déménagement vers un bâtiment adjoint à l’université et les travaux d’adaptation en espace muséal. D’une superficie d’environ 5000 m² sur quatre étages, l’édifice fut durant la période de l’inquisition, du XVe au XIXe siècle, le siège du tribunal et de la prison. Partiellement détruit par les troupes françaises au XIXe siècle, le bâtiment fut reconstruit de 1985 à 1990. Il est aujourd’hui constitué de grandes salles rectangulaires, idéales pour un dispositif muséal, protégées de la chaleur par d’épais murs qui laissent filtrer une lumière contenue.
En attendant la fin des travaux, une partie de la collection sera exposée dans la vieille ville, à la Casa Zavala, ancienne Fondation Antonio Saura, dont les salles sont dès à présent conçues en espaces muséaux sur une superficie de 550 m². Ce lieu temporaire qui sera inauguré conjointement à l’ouverture du musée de Tolède, offrira un aperçu d’œuvres qui rejoindront plus tard le musée définitif. Celles-ci seront essentiellement des œuvres du XXIe siècle.