La Maison Ajoux, petit bijou moderniste à visiter pendant le Banad Festival (PHOTOS)
- Publié le 07-03-2018 à 17h14
- Mis à jour le 07-03-2018 à 17h23
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En cette fin d’après-midi, dans le tram qui longe le boulevard Lambermont à Schaerbeek, c’est l’effervescence. Les écoliers papotent tout en pianotant à tout-va sur leur smartphone. Les mamans ont récupéré leurs petits-bouts, aux yeux fatigués, cartable glissant mollement sur leurs épaules ou harnachés dans une poussette. Tandis que quelques travailleurs ayant terminé leur journée tentent de bailler discrètement.
A mesure que l’on s’éloigne de l’arrêt Héliotropes pour rejoindre l’avenue des Jacinthes, on est surpris par le calme ambiant : hormi quelques avions cisaillant le ciel, seul résonne le piaillement des oiseaux. Un peu de campagne au cœur de la ville. A l’angle de la rue des Mimosas et de l’avenue des Jacinthes, une splendide villa trois façades, ceinte par un muret de jardinet en briques brunes, attire le regard par la douceur de ses courbes. C’est la maison Ajoux, œuvre de l’architecte moderniste bruxellois René Ajoux. Elle est l’un des treize lieux inédits qui ouvrent leurs portes pour la première fois au public dans le cadre de la 2e édition du “Brussels Art Nouveau&Art Deco (Banad) Festival”, du 10 au 25 mars. A l’honneur cette année ? Les perles architecturales cachées et l’année Horta.

“Un véritable coup de cœur”
Un bref coup de sonnette et Stéphanie, propriétaire de la maison avec son compagnon Eric, nous invite aussitôt d’un chaleureux “bonjour !” à entrer dans un petit vestibule tout arrondi. Car ce qui fait le cachet de cette demeure, c’est sa conception en cercle, des pièces de vie aux éléments constitutifs du lieu.
Le hall d’entrée s’ouvre sur le salon avec bow-window baigné de lumière, la salle à manger et la cuisine, dominés par une impressionnante cage d’escalier galbée menant à l’étage. Darwin, jeune beagle de 8 mois, piaffe de joie à la vue de ses maîtres. “Cela fera un an en mai que nous habitons dans la maison”, explique Eric. Stéphanie, Darwin tout heureux sur les genoux, confirme : “Je suis fille d’architecte. J’ai donc toujours été sensibilisée à l’architecture et mon mari aussi. Nous avons tout de suite vu l’originalité et la beauté de la maison”. Lors de leur première visite, ils se souviennent avoir ressenti “un véritable coup de cœur”, en particulier pour l’élégante cage d’escalier qui structure le rez-de-chaussée. “C’était une évidence. Je voulais cette maison”, sourit Stéphanie. Curieux, le couple se renseigne sur l’architecte René Ajoux et découvre qu’il a créé d’autres édifices à Bruxelles, dont l’ancien cinéma Mirano et l’immeuble à appartements La Cascade à Ixelles.


Construite en 1935, la maison Ajoux appartient au Modernisme, soit la période qui suit celles de l’Art nouveau (1890-1910) et de l’Art déco (1920-1930). “Le Modernisme se caractérise par une architecture plus pure, plus radicale – il n’y a pas de vitraux par exemple comme on peut en retrouver dans l’Art déco, explique Jacinthe Gigou, responsable de Banad Festival. Ce qui fait vraiment la richesse des maisons de cette époque, c’est la circulation, la lumière, les espaces,…, mais pas le décor en soi”. Ici, complète-t-elle, “on est tout de même dans un modernisme qui est relativement doux puisqu’autour de cette forme circulaire, il y a un écho autour du cercle que l’on retrouve un peu partout, qui amène quelque chose de moins rigoureux que l’on peut avoir dans d’autres maisons qui sont vraiment très rectilignes, très carrées, etc. On est dans une transition entre la fin de l’Art déco et le début du Modernisme”.

Comment meubler tout ça ?
Ces galbes, ces courbes, la maison en est truffée : portes, luminaires, moulures,… “Quand nous avons emménagé, nos proches nous ont dit : ‘C’est très agréable, mais comment allez-vous mettre des meubles ?’, se rappelle Stéphanie. Ça a été dur, mais on a cherché. On a eu du mal pour dénicher ce canapé arrondi, mais on l’a trouvé”. Elle ajoute : “L’architecture d’une maison est aussi mise en valeur par ce que l’on met dedans. Il fallait donc jouer le jeu dans la décoration pour que cela soit harmonieux et cohérent”. Stéphanie et Eric ont donc joué sur les arrondis mais aussi les codes de matières et de couleurs : le velours, le doré, le noir,…


Si René Ajoux a imaginé ses plans sur une base circulaire, alliant charme et volupté, il a également gardé à l’esprit un certain pragmatisme, en prévoyant au rez-de-chaussée une pièce de bureau à la structure plus carrée pour son client qui était négociant en tissus. De même, à l’étage, il avait conçu une chambre de bonne, “signe d’un certain niveau de vie car plus beaucoup de gens n’avaient une bonne à demeure à ce moment-là”, souligne Jacinthe Gigou. “En 1935, la maison avait déjà un garage, précise Eric. Or, tout le monde ne possédait pas une voiture”. Une demeure pleine de surprises, à la frontière entre conception moderne et mode de vie bourgeois des années 30, à découvrir le samedi 24 mars, dès 10 h.
--> Banad Festival (visites guidées d’une soixantaine d’intérieurs, foires d’objets Art nouveau et Art déco et concerts), du 10 au 25 mars à Bruxelles. Infos : https ://banad.brussels