"Monet et l'architecture", une exposition londonienne qui offre une redécouverte de l'artiste
Publié le 29-05-2018 à 10h29 - Mis à jour le 29-05-2018 à 10h39
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La National Gallery à Londres présente une grande exposition Monet sur l’architecture « liquéfiée » par son art.
Quand on demandait à Sacha Guitry ce qu’il y avait de neuf en théâtre, il répondait : « Molière ! ». On peut reprendre la formule pour les plus grands peintres comme Monet. Ils parviennent à chaque exposition à montrer un nouvel aspect de leur génie.
C’est ce qu’on constate à nouveau à la National Gallery à Londres avec la belle exposition « Monet et l’architecture »qui montre 75 tableaux, depuis les débuts jusqu’à la série des Nymphéas. Venues surtout des Etats-Unis, avec un quart des oeuvres issues de collections particulières et rarement montrées.
Le sujet imaginé par le grand spécialiste anglais de Monet, Richard Thomson, peut paraître surprenant. Monet et les lmpressionnistes sont associés à la nature, à la peinture sur le motif, aux couleurs changeantes du ciel, à la joie de vivre.
Mais Monet lui-même avait expliqué que les formes des structures bâties se mêlent partout, presque inévitablement, à celles, irrégulières, de la nature. Et il voulait exploiter ces contrastes, les unifier : « Je veux peindre, disait-il, l’air dans lequel se trouve le pont, la maison, le bateau. La beauté de l’air où ils sont, et ce n’est rien d’autre que l’impossible. »
Monet utilisait la forme d’un bâtiment pour donner de la régularité à l’irrégularité de la nature, comme dans cette cabane du douanier perchée sur une falaise de Varengevile. Le bâti lui permettait des contrastes de couleurs comme lorsqu’il peint un toit rouge au milieu d’arbres verts. Les bâtiments peuvent être encre des marqueurs de modernité comme le voulaient les impressionnistes qui avaient jeté aux orties les sujets académiques. On le voit dans les vues quasi géométriques des plage de Trouville ou ses tableaux du pont métallique de la gare Saint Lazare avec la fumée des trains en partance.

« Je veux l’impossible »
Dans des tableaux comme « Effet de neige à Giverny » ou« L’église de Varengeville », les bâtis sont des extensions du paysage et absorbent la même lumière qui unifie la peinture.
Dans ses tableaux de la Côte, il juxtapose la falaise de pierre et le mouvement de la mer.
Son intérêt se portait alors vers le traitement de la lumièreet des ombres. Le sujet peu à peu s’estompait pour arriver à des tableaux qui sont d’abord de véritables expériences de peinture. Il s’écria un jour : « Je poursuis un rêve, je veux l’impossible ».
Il travaillait par séries qu’on retrouve à l’exposition, et qui étaient autant de variations sur un même sujet pour capter la lumière changeante: cinq peintures hollandaises du début des années 1870, dix peinture d’Argenteuil et des environs de Paris, sept cathédrales de Rouen, huit vue de Londres des années 1899-1904 et neuf peintures de Venise de 1908 dont, côte à côte, deux Palais des Doges liquéfiés par la lumière.

Les cathédrales
La série des cathédrales de Rouen est évidement la plus célèbre. Pendant deux ans, il a peint cette façade, en série,à toutes les heures du jour, depuis les fenêtres des maisons en face. Sans perspective, frontalement, avec juste le jeu des lumières, des saisons et des brumes. Il ne s’agissait pas de peindre ce qui était mais ce qu’il ressentait face à l’impalpable. "La matière de notre art est là, dira Cézanne, dans ce que pensent nos yeux." Monet réalisa en tout 28 vues de la cathédrale en en peignant quelquefois 14 de front car il devait passer de l’une à l’autre en fonction de la lumière du moment. Pour l’anecdote : Monet utilisa une chambre d’un magasin de lingerie féminine et on a dû placer un paravent entre lui et les dames venues essayer leurs vêtements mais on raconte qu’il y avait un œilleton pour que Monet puisse quand même voir les belles !
En 1895, Monet présentait triomphalement vingt "Cathédrales" chez son marchand Durand-Ruel.
En voyage à Londres, il se plaçait dans le sillage de Turner qu’il admirait tant, pour peindre la capitale anglaise dans le brouillard. « Sans le brouillard, disait-il, Londres ne serait pas une belle ville. C’est le brouillard qui lui donne son ampleur magnifique ».
Une seule oeuvre à l’expo annonce les Nymphéas à venir avec une vue du pont japonais qu’il a placé dans son jardin. Peu à peu l’horizon dans ses tableaux s’était élevé. Cette fois il n’existait plus. On est plongé dans l’eau, ses reflets, ses nymphéas. Le peintre demandait à son jardinier de placer les nymphéas chaque jour autrement dans les étangs. Pour aboutir à ces chefs-d’oeuvre qui annoncent tout l’art du XXe siècle et c’est une autre histoire, sans plus d’architecture cette fois et qui a tant inspiré les expressionnistes abstraits américains comme le montre l’exposition en cours à l’Orangerie à Paris.
Monet et l’architecture, à la National Gallery jusqu’au 29 juillet. Avec Eurostar, Londres est à deux heures de Bruxelles. Une seconde entrée est offerte sur présentation du billet Eurostar.