A Kiev, un Parc de la Corruption pour les non-corrompus
Publié le 07-06-2018 à 18h33 - Mis à jour le 08-06-2018 à 07h17
Le Parlement ukrainien a ouvert la voie jeudi à la création d’une cour anticorruption. Il s’agissait d’une exigence-clé du Fonds monétaire international (FMI) pour reprendre son aide financière. Plongée au coeur du "Parc de la Corruption" à Kiev.
Une fois le casque de réalité virtuelle en place, une jeune volontaire lance l’animation. On se retrouve dans la peau d’un détective anti-corruption menant une perquisition dans le bureau d’un fonctionnaire corrompu. Lui est là, à son bureau, les mains en l’air. On parcourt la pièce pour chercher des preuves compromettantes : des documents, un ordinateur, des passeports de plusieurs pays, ou encore des liasses de billets. "Passez les billets à la lumière infrarouge…", poursuit la volontaire. "Vous voyez ce qui apparaît ? Le mot ‘bakchich’"
Les ficelles peuvent paraître un peu grosses, mais l’exercice est divertissant. Et le message est clair. Au cœur du jardin botanique de Kiev, les 9 pavillons interactifs du "Parc de la Corruption" dénoncent les mécanismes et les conséquences de la corruption de haut vol. La capitale d’un des pays les plus pauvres d’Europe est célèbre pour ses étalages de richesses plus ou moins bien acquises : montres de luxe, bijoux, montagnes de liquide et voitures rutilantes. Au centre du Parc, une BMW étincelante. Elle a été confisquée à une personnalité récemment arrêtée.
Un autre pavillon joue sur ces peurs : on entre dans un pavillon sombre, pour s’allonger directement sur un lit à baldaquin. Au plafond, un montage dépeint "les pires cauchemars du corrompu". Révolution, misère, assassinat, arrestation, prison… "Sans doute que certains corrompus dorment comme des anges", commente Iaroslava Gres, coorganisatrice de l’exposition. "Mais tous ont cette angoisse de tout perdre du jour au lendemain".
Un fléau qui coûte cher à la société
Un autre pavillon présente une exposition sur les pratiques de corruption à travers le monde. Un troisième offre la possibilité de peindre un tableau géant, en y incluant sa vision d’une Ukraine idéale, sans corruption. "Cette exposition permet de comprendre le manque à gagner pour chaque citoyen", explique Serhiy Leshchenko, ancien journaliste d’investigation et député d’opposition. "Cette voiture là-bas, c’est de l’argent pris de nos poches à chacun". En 2017, Transparency International classait l’Ukraine 130e sur 180 pays en termes de corruption. A l’inverse, le Parc de la Corruption n’aborde pas la petite corruption : enveloppes au docteur ou billets au policier lors d’un contrôle sont de véritables plaies du quotidien en Ukraine. "Notre sponsor, l’Initiative Anti-Corruption de l’Union Européenne (EUACI), voulait insister sur la corruption au sommet de l’Etat, afin de soutenir la création d’une Haute Cour anti-corruption". "Cette exposition vise les jeunes en particulier", assène l’ambassadeur de l’UE Hugues Mingarelli. "Pour leur expliquer les mécanismes de la corruption, mais aussi les moyens de la limiter". A l’entrée du parc, la statue gonflable d’un corrompu de 6 mètres attend d’être abattue. A condition que les visiteurs s’entraident pour la faire tomber.