A travers l'exposition "Dependencies", le tissu se mêle au parcours de l'artiste belge Hana Miletic, immigrée et féministe
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dbef88af-a777-4e76-9966-40b1fd6e9729.png)
Publié le 08-06-2018 à 18h11
:focal(2039x1027:2049x1017)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ISOJOM4HEFD55PEXTGPFXBKACI.jpg)
Dans son exposition au Wiels, Hana Miletic montre des oeuvres textiles pleines de sens.
Avec « Dependencies » (dépendances), le Wiels présente la plus importante exposition à ce jour de l’artiste belge d’origine croate, Hana Miletic. Centrée sur son travail textile des derniers mois, l’expo s’est ouverte dans le cadre du dernier Kunstenfestivaldesarts. Pour bien l’appréhender, il faut comprendre les différentes couches du travail de l’artiste.
Née en 1982 dans l’actuelle Croatie, elle est installée à Bruxelles depuis 2001. Photographe, professeur de photographie à Sint Lukas, lauréate en 2015 du prix Bozar dans le cadre de la Jeune peinture belge, son travail est très varié, allant de la photographie à la poésie. Elle est artiste en résidence au Beurschouwburg à Bruxelles.

La photographie, son histoire d’immigrée à cheval entre Zagreb et Bruxelles et ses réflexions féministes nourrissent son travail montré au Wiels.
On y voit deux très grands tissages réalisé ces dix derniers mois. Le premier est comme un rideau avec des lignes rouges et blanches à la Daniel Buren. Le second, tout noir est placé devant la lumière d’une fenêtre.
Ce sont des reproductions textiles de grands bâches de travaux qu’elle a photographiées à Sarajevo et à Bruxelles. Elle les a refaites à l’identique, en y incluant même les déchirures, l’usure et les collants qui les fixaient. On peut voir les photos d’origine dans le guide du visiteur.

Comme dans les autres tissages plus petits qu’elle expose, il y a d’abord une volonté d’esthétique. La grand tissage rouge et blanc rappelle de fait Buren tandis que ses petits tissages accrochés aux murs sont proches de ceux que l’artiste américaine Sheila Hicks montrait il y a peu au Centre Pompidou.
Le soin
Mais il y a aussi chez elle une démarche conceptuelle. A la photographie, geste rapide, elle oppose le lent tissage, qui permet la réflexion, la pensée, et qui, de plus, nécessite de travailler en liens, en « dépendances » comme le dit le titre de l’expo, avec les autres. Le tissage est aussi ce croisement de fils, comme elle croise Zagreb et Bruxelles.
D’autres oeuvres textiles traduisent en « tableaux modernistes » les bricolages que font les gens sur leur voiture, pour réparer provisoirement un rétroviseur ou un pare-brise. Les photos de départ sont dans le guide.
En tissant, souligne-t-elle, elle se place dans une longue tradition des femmes travaillant le textile mais aussi s’occupant du soin, du « care » des choses, un travail des femmes longtemps négligé dans les sociétés patriarcales.
Hana Miletic a aussi travaillé le feutre, créant comme des tapisseries colorées. Elle les a faites avec des femmes du centre communautaire Globe Aroma à Bruxelles, cette maison des arts qui travaille entre autres avec des réfugiés et qui avait été l’objet en février d’un « rafle » policière largement dénoncée. Pour Hana Miletic, ces grands feutres colorés expriment les échanges humains dont ils sont le fruit.

Deux de ces grandes pièces serviront de nappes ce week-end dans le parc de Forest pour le week-end gratuit, familial et populaire organisé par le Wiels, le SuperVliegSuperMouche.
Hana Miletic, au Wiels, Bruxelles, jusqu’au 12 août