La formidable révélation de Michaelina au Mas d’Anvers
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Publié le 09-06-2018 à 12h45 - Mis à jour le 09-06-2018 à 13h09
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Le Mas à Anvers, révèle le grand talent de Michaelina, une femme peintre née à Mons en 1604 et qui était quasi oubliée. Dans le parc du Middelheim, une vingtaine d’artistes contemporains exposent leur idée du baroque.
Une Montoise, grande dame du baroque, célébrée à Anvers
C’est une vraie découverte. Dans le cadre de l’année baroque à Anvers, il ne faut bien sûr pas rater la magnifique exposition « Sanguine » montée par Luc Tuymans au Muhka (lire La Libre du 5 juin) mais, il y a d’autres belles surprises comme au Mas (le Museum aan de stroom) qui propose la première exposition de Michaelina Wautier (1604-1689).

Cette redécouverte miraculeuse est due au talent et à l’obstination de la commissaire de l’exposition, professeur à la KUL, Katlijne Van der Stighelen qui travaille sur cette artiste depuis 25 ans, la sortant de l’oubli.
Et on est d’emblée séduit par la force de ses portraits, ses scènes de genre (garçons soufflant des bulles, jeune homme à la pipe), ses tableaux religieux (Annonciation, Education de Marie) et mythologiques. Michaelina, un grand nom du baroque.
Son « Portrait de deux petites filles en saintes Agnès et Dorothée » se tenant près d’un panier rempli de roses et de pommes, est délicieux. Elles ont le regard mélancolique et de très beaux habits jaune, violet et noir. Dans un tout autre genre, son chef d’oeuvre est « La procession de Bacchus » venu du Kunsthistorisches museum de Vienne. Une très grande peinture de 3,5 m x 2,7 m. Bacchus et ses acolytes, quasi nus et ivres, forment une procession. Dans le cortège, il y a une femme, toute différente, une ménade habillée de rose, poitrine dénudée, sans doute un autoportrait de Michaelina elle-même.

Pas de nus pour les femmes
Ce « cortège » est non seulement d’une grande qualité artistique, mais il a aussi une liberté de ton exceptionnelle, une oeuvre surprenante de la part d’une femme peintre. Au XVIIe siècle, les femmes n’étaient pas admises dans les cours de dessins sur modèles vivants quand les modèles étaient des hommes. Elle a donc dû apprendre par ailleurs, sans doute dans l’atelier de son frère Charles, lui aussi peintre.
A l’époque baroque, les femmes peintres étaient extrêmement rares, surtout si elles sortaient du seul genre des peintures de fleurs. Il y a bien sûr, en Italie, la magnifique Artemisia Gentileschi et à Anvers, la peintre de natures mortes, Clara Peeters. Mais une artiste comme Michaelina, brassant tous les genres avec autant de technique et de réussite, est un cas exceptionnel. Il faut voir la beauté de ses études de personnages et son assurance quand elle brosse une scène en quelques coups de pinceau.
On sait très peu de choses d’elle. Elle est née à Mons en 1604 dans une famille de neuf enfants et est morte à 85 ans. Sa famille habitait à la rue d’Havré, une famille importante et riche. Son frère aussi était peintre et elle et lui, qui restèrent célibataires et n’eurent pas d’enfants, s’installèrent à Bruxelles, près de l’église Notre-Dame de la Chapelle.
A force de recherches, Katlijne Van der Stighelen a déjà pu retrouver 27 tableaux de Michaelina, parfois réattribués jadis par erreur à des hommes, car on ne pouvait pas croire à une certaine époque qu’une femme était capable de peindre comme cela. Sous les surpeints, elle a retrouvé la signature de l’artiste. D’autres tableaux existent encore certainement.
A son époque, elle avait une belle renommée puisque l’archiduc Léopold-Guillaume, grand amateur d’art, qui séjourna à Bruxelles entre 1647 et 1656 avait trois oeuvres d’elle dans la collection d’une centaine de tableaux qu’il ramena avec lui à Vienne et qui font l’orgueil des musées viennois.
L’exposition au Mas montre l’art de Michaelina à côté de quelques tableaux de ses contemporains et peut-être inspirateurs.
Michaelina, Museum aan de stroom (Mas), Anvers, jusqu’au 2 septembre