:focal(1386.5x700.5:1396.5x690.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/JQC7OXINU5AGDG7EBTTI3ICPYY.jpg)
Le photographe japonais expose au musée des Beaux-Arts, ses photos de dioramas d’animaux ou tableaux anciens.
Hiroshi Sugimoto, né en 1948 à Tokyo a une oeuvre souvent zen et minimaliste. Il est célèbre pour ses photographies noir et blanc de mers immobiles et de théâtres vides de toutes traces humaines, fruits de très longues poses. Il montre que ces mers immobiles sont les mêmes partout sur le globe.
Il propose aussi des installations comme à la belle exposition au Palais de Tokyo en 2014 où il partait de la célèbre phrase de Camus qui ouvre "L’étranger" : "Aujourd’hui, maman est morte." Sugimoto reprenait l’idée : "Aujourd’hui, le monde est mort. Ou peut-être hier, je ne sais pas." Il n’est pas étonnant que ce soit un Japonais, frappé par la catastrophe de Fukushima, qui méditait sur la fin de notre humanité. Il avait imaginé une trentaine de scénarios possibles de l’extinction de l’homme sur cette terre et avait créé, pour nous, une sorte de musée futur où on montrerait ce que fut l’homme avant sa folie autodestructrice.

Cet automne, Sugimoto sera l’artiste invité par le château de Versailles (bien loin de Jef Koons !). Il investira les jardins du domaine de Trianon où il conviera art, architecture et spectacle vivant, annonce-t-il, et de commenter: « Ma carrière artistique a débuté avec la photographie, un travail en deux dimensions. Après des années passées à exposer mes photographies, j’ai décidé de devenir architecte pour créer des espaces tridimensionnels qui servent les artistes. Mon intérêt s’est ensuite tourné vers le spectacle vivant, qui ajoute à l’espace une quatrième dimension, le temps. Loin d’aller vers l’harmonie, comme on pourrait raisonnablement s’y attendre, ma carrière artistique semble s’orienter vers le désordre. »
Dialogue avec l’art ancien
Dès maintenant, on peut voir une exposition d’une quarantaine de grandes photographies de Sugimoto au musée des Beaux-arts de Bruxelles en dialogue avec quelques tableaux anciens du musée. Alors que dans ses séries initiales, il photographiait le réel (mers, théâtres) mais lui donnait un air totalement irréel, ici il fait l'inverse dans ses séries anciennes, « dioramas » et « portraits ». On voit les animaux, la jungle, les tableaux anciens, les personnages historiques, photographiés en noir et blanc, sauf que tout est faux, tout est décor cette fois. Dans les deux cas, il analyse les limites de notre perception et les pièges de la photographie quand on croit qu’elle donne une image du réel.
Sugimoto a photographié ces dioramas à New York, au Museum d'histoire naturelles, des savanes avec leurs antilopes, lions ou wapitis. Ces « boîtes » ont fait longtemps le charme de ces musées. Ils disparaissent peu à peu comme ils auront disparu dans le nouveau musée de Tervuren. Baudelaire raffolait de ces dioramas « dont la magie brutale et énorme sait m’imposer une utile illusion ». Le musée montre à côté des natures mortes flamandes de De Vos ou Savery.
Les portraits photographiés par Sugimoto sont des mannequins de cire habillés comme dans les tableaux anciens d’Holbein : on y revoit Henri VIII, Anne de Clèves ou la Dernière Cène, à côté de portraits espagnols anciens ou d’un tableau de l’école de Pieter Coecke van Aelst.
La question de Sugimoto renvoie à l’essence de la représentation : où est le réel entre le sujet, le mannequin, le diorama voué à disparaître, la peinture et la photographie méticuleuse de tout cela? Les images qu’on voit ne sont-elles pas les traces figées d’un monde disparu? Le nôtre, bientôt?
"Je fais de l'authentique à partir du faux, s’amuse Sugimoto. Je suis faussaire de faux."
Sugimoto, musée des Beaux-Arts, Bruxelles, jusqu’au 19 août