Très belle redécouverte du peintre René Daniëls
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- Publié le 05-09-2018 à 15h23
- Mis à jour le 05-09-2018 à 15h24
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Le Wiels propose une rétrospective impressionnante du peintre néerlandais René Daniëls.
Pour beaucoup de visiteurs du Wiels ce sera une vraie découverte, forte, étonnante. L’oeuvre de René Daniëls a une histoire très particulière.
Né à Eindhoven en 1950 (il y vit toujours), il connut son heure de gloire de 1976 à 1987. Choisi pour la Documenta, de Kassel et la Biennale de Sao Paulo, représenté par la galerie new-yorkaise Metro Pictures, celle aussi de Mike Kelley et Cindy Sherman, il devait encore avoir une exposition au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles, quand il fut frappé en 1987 par un AVC qui le priva définitivement de la parole et de son bras droit. Sa carrière n’a donc duré que dix ans, même si depuis 2007, il repeint encore un peu, comme il peut.
Pour l’ouverture de son expo au Wiels, il était venu, comme surgissant du passé. C’est cet arrêt brutal qui donne le titre de l’expo et de la superbe monographie éditée par le Fonds Mercator: «Fragments d’un roman inachevé ».
L’autre particularité est qu’il était resté une grande figure aux Pays-Bas et en Flandre, mais qu’il était quasi inconnu du côté francophone. Ces dernières années, ses œuvres de 1976 à 1987 sont revenues à l’avant-plan. « Avec la retour en force de la peinture figurative que René Daniëls a toujours pratiquée, on retourne à son oeuvre, un mouvement accompagné par sa galerie new yorkaise, » explique Devrim Bayar, la commissaire au Wiels qui a travaillé trois ans sur cette importante rétrospective.

En témoignent en 2011 des expos au Van Abbemuseum d’Eindhoven et au Reina Sofia de Madrid. Celle du Wiels sera reprise par le Mamco de Genève dont le directeur est venu témoigner de l’importance de René Daniëls sur les jeunes artistes suisses actuels.
Le noeud papillon
L’expo sur deux étages frappe par l’ampleur de l’oeuvre, la force d’un geste pictural rapide et la virtuosité dans les couleurs. Au départ, Daniëls fut marqué par la contre-culture punk aux Pays-Bas et on le voit dans la référence aux disques vinyle, au skate-board, à la performance, aux graffitis, à un humour subversif quand il appelle le Palais des Beaux-Arts, le Palais des Boos-arts, des « arts fâchés ».
Un tournant de son oeuvre fut l’introduction en 1984 d’une figure de noeud papillon, ou d’un espace d’exposition vu en perspective, voire rappelant les volets hollandais.
Cela deviendra un motif récurrent dans ses peintures, comme le motif de la porte donnant sur un espace bleu (celui de la mer et des rêves?), comme ses surpeints translucides créant un arrière-fond vaporeux évoquant le statut ambigu de l’image, entre réel et impossible représentation.

René Daniëls, né près de nos frontières, a toujours tourné son regard vers nous: il fut influencé par Magritte et Broodthaers. Walter Swennen semble suivre sa trace.
Daniëls a toujours cru dans la peinture. Dans ses premiers tableaux, on retrouve un humour magrittien, comme ce portrait de l’homme dont la tête se transforme en chapeau. Ou l’homme dont la barbe se relève et devient cravate dressée par le vent ou ce double auto-portrait caché dans une forêt dont les arbres sont des jambes de femmes dressées vers le ciel.
Daniëls après Daniëls
Il y a chez Daniëls de multiples couches qui nourrissent un travail d’abord pictural sur la couleur et la forme. Des références littéraires (de beaux portraits d’Appolinaire et Van Doesburg), un de ses premiers tableaux montre deux livres tombant d’une bibliothèque, comme venant alimenter la peinture.

Il ajoute la dimension du rêve, avec ce beau tableau d’une thérapeute en rouge, ou le paysage devenant visage, ou -très bel ensemble- un homme et une femme s’endormant dans un lit devenu la mer bleue.
Il y ajoute les mots, le multilinguisme troublant (qui le rapproche encore de la Belgique), une réflexion sur l’art et l’exposition (le noeud papillon est-il celui des mondains aux vernissages?). Une peinture vive, à la fois conceptuelle interpellant le spectateur et pourtant très directe.
Puis vint la catastrophe de 1987. Une dernière petite salle présente ses travaux récents, à charge pour chacun de se faire son opinion. Quel statut donner encore à ses travaux ? Est-ce encore du Daniëls?
René Daniëls au Wiels jusqu’au 6 janvier.