L'"Espace des Arts", témoin de la multiplication des projets de l’architecte Pierre Hebbelinck

"L’architecture en Belgique est perçue dans toute l’Europe comme un foyer majeur, pas seulement celle de Flandre mais de plus en plus aussi l’architecture belge francophone", explique Pierre Hebbelinck. "Dans des temps budgétaires difficiles, la Belgique apparaît comme une terre de défricheurs d’idées, de pragmatiques pouvant susciter des valeurs constructives très élevées."

Lui-même multiplie les projets en France. Le dernier donnera lieu ce week-end du 28 septembre à une fête d’ouverture du nouvel Espace des Arts à Chalon-sur-Saône, au sud de la Bourgogne.

Pierre Hebbelinck a une longue pratique des lieux culturels. Il a créé le Mac’s au Grand Hornu et les théâtres de Mons et de Liège. En France, son atelier d’architecture travaille avec le bureau HBAAT de LiIle (Mathieu Berteloot et Heleen Hart).

A Chalon, l’ancienne Maison de la culture inaugurée en 1971 dans un grand bâtiment brutaliste (de béton brut) dû à l’architecte lyonnais Daniel Petit, est devenu une Scène nationale en 2005. "Mais le bâtiment était mal aimé des habitants, explique Hebbelinck. Le directeur, Philippe Buquet, a alors décidé de le requalifier et de faire appel à nous. Comme à chacune de nos interventions, nous nous sommes entourés de différents experts comme Richard Klein de Docomomo (archives de l’architecture moderne) qui a retrouvé l’historique du projet de Petit. On a vu ses qualités initiales qui rejoignent par exemple les vues de l’architecte russe Melnikov à Moscou. Et nous avons écouté tous les gens liés au théâtre, du vigile au directeur, y compris les artistes en résidence, une centaine de personnes au total."

Casser la dalle

Le projet a d’abord consisté à améliorer l’accueil du public en enlevant la grande dalle de béton rajoutée sous le projet initial pour construire un parking. Le projet avait été dessiné en 1959 mais ne fut terminé qu’en 1971 en plein boon de l’auto qui avait entraîné cet ajout qui créait une discontinuité de plus de 2 m avec le parvis du théâtre, "une rupture avec la ville". Il fallait aussi revoir les circulations (escaliers, deux nouveaux ascenseurs), requalifier totalement les trois salles (860 et 250 places, et un studio) , les ramenant aux largeurs de scène d’origine, redressant les pentes des salles. Il a modifié la salle d’expositions comme il l’avait fait au Théâtre de liège.

Cerise sur le gâteau, Pierre Hebbelinck a installé une résidence d’artistes tout en haut du bâtiment, à 40 m de haut, suivant l’idée que Matthias Langhoff avait développé pour la Comédie de Genève. Un lieu situé juste au sommet de la cage de scène, comme une lanterne, comme la "servante" cette lampe qui reste allumée sur la scène même quand le théâtre est plongé dans le noir. "Les artistes sont ainsi protégés et le soir, quand les lumières sont allumés, ils semblent veiller sur toute la ville."

Pas cher

Le projet a pu être réalisé au prix très bas de 7,5 millions € hors taxes (850 € / m2), un montant qui a effrayé d’autres candidats architectes. "Nous avons opté pour une architecture non ostentatoire, qui n’est pas dans le geste mais qui reste en empathie avec le bâtiment initial et il a fallu faire de nombreux arbitrages douloureux."

Pierre Hebbelinck avait mené aussi le projet de transformation de l’Arsenal de Maubeuge en musée avant l’abandon du projet par la ville. A Montataire près de Creil, au nord de Paris, il a réhabilité en lieu culturel (salle, studios de répétition, école de musique), une grande halle historique des frères Perret datant de 1919 (les frères Perret sont nés en Belgique et Auguste Perret a reconstruit Le Havre après guerre).

A Lyon, il ouvrira en 2022, la future Maison de la danse dans l’ancien Palais Guimet et qui sera dédiée à la création et la production de spectacles, avec, au rez-de-chaussée, l’administration de l’archéologie de la ville.

A Saint-Priest dans la banlieue de Lyon, il va réhabiliter aussi le théâtre Theo Argence.

L’atelier Pierre Hebbelinck a aussi des projets culturels belges, comme le futur Musée du Chat près de la place royale à Bruxelles et la réhabilitation de la salle M et du Studio au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles.