L’histoire des manières d’aimer à travers 3000 ans d’art
Publié le 25-09-2018 à 13h35 - Mis à jour le 25-09-2018 à 13h43
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C’est à l’histoire la plus éternelle, celle des manières d’aimer en Occident, qu’est consacrée la nouvelle grande exposition du Louvre-Lens. La grande affaire de tous les hommes et femmes, racontée à travers 3000 ans d’histoire de l’art et des sociétés.
Tous les départements du Louvre et de nombreux prêteurs ont été sollicités par cette saga racontée (aussi dans un gros catalogue) par le directeur scientifique du Mucem àMarseille, Zeev Gourarier et la directrice du musée Delacroix, Dominique de Font-Réaulx. En filigrane, elle raconte également l’émancipation de la femme depuis sa stigmatisation dans la Bible jusqu’à sa liberté d’aimer.
On y retrouve des pièces splendides comme dans la salle d’ouverture avec la statuaire antique et classique et la terre cuite d’une tombe étrusque. Tous les couples y sont chaque fois taillés dans une pierre unique.
Bien plus loin dans le parcours, on retrouve ce chef d’oeuvre de Fragonard Le verrou. On ne se lasse pas d’admirer ces amants en lutte tendre et le flot furieux de leurs tissus. Ce tableau est dans une salle toute entière consacrée au libertinage avec des gravures tirées de Sade et de « l’enfer » de la bibliothèque nationale ou avec la célèbre Odalisque de Boucher couchée sur un lit défait, montrant ses fesses nues et dodues, tout en nous regardant dans les yeux.

Femme dangereuse ou chaste
Le parcours chronologique en sept chapitres, débute par la stigmatisation des femmes, tentatrices. Eve n’est pas née d’une « côte » d’Adam mais bien d’un « côté » d’Adam quand Dieu a tranché en deux Adam, créé d’abord homme et femme à la fois, raconte Zeev Gourarier. Elle est la fautive, celle qui a cédé au serpent et entraîné la perte du Paradis. La mythologie grecque a son équivalent en imaginant que Pandore, la femme, a été créée pour se venger des hommes et entraîner leur perte.
Ces femmes séductrices et fatales sont dangereuses et peuvent faire perdre la virilité (à Samson, à Holopherne). Alors, la passion amoureuse, pour éviter ce danger, se tourne vers l’enlèvement, le rapt, le viol.
De nombreux tableaux et sculptures évoquent cela avec les bouleversants tableau d’un viol et sculpture d’une femme adultère lapidée.
Avec le christianisme, apparaît la figure de la Vierge, vierge perpétuelle et donc équivalente à Eve avant la faute. Elle rouvre à l’humanité les portes du Paradis fermées par Eve.

Un tableau de Simone da Luca chante cette Vierge. Chez Memling, la chasteté de la Vierge la montre au sommet d’une montagne pleine de piques de pierre la protégeant des assauts lubriques du monde.
Si les plaisirs charnels sont déniés au profit de la chasteté, il reste aux religieuses le plaisir intense de l’extase, sorte d’orgasme comme le montrent une terre cuite du Bernin et le portrait très beau de Madeleine dans le désert, entre orgasme et mort, Eros et Thanatos.
L’expo continue avec ses surprises. Le Moyen Age célèbre enfin l’amour partagé et l’amour courtois. Le jeu d’échecs (beau vitrail du 15e siècle) devient une métaphore de la conquête amoureuse où la « dame » du jeu, qui, au départ,était simple suivante du Roi, devient alors la pièce la plus puissante du jeu. On découvre aussi le charme de la danseà deux et puis des bals alors qu’on ne voit aucune représentation d’une danse à deux dans toute l’Antiquité.
L’amour se fait plus tendre, plus galant. Quand l’affaire est consommée, on peint une cage avec la porte ouverte, l’oiseau s’est envolé. On découvre à l’expo ce curieux usage de placer secrètement des baguettes, avec des mots doux de l’amant, cachées dans le corset des dames.
Puis, vient le plaisir charnel célébré par le Régent et le Siècle des Lumières, suivi plus sagement au siècle suivant d’une célébration du mariage et des figures romantiques de l’amour éternel avec des sculptures de Camille Claudel et Rodin.
Clin d’oeil au XXe siècle, l’expo se termine par une salle Niki de Saint-Phalle et un étonnant mur entier de vinyles des années 60 à 80 où les chanteurs et chanteuses yéyéparlaient d’amour (on peut les entendre à l’expo !). Amour toujours, la belle affaire.
Amour, au Louvre-Lens, jusqu’au 21 janvier, fermé mardi.
