Une collection privée pour les arts en Belgique fin XIXe
En provenance d’une collection privée jalouse de son anonymat, la moisson aux cimaises de la rue Hanssens a de quoi séduire les amateurs fervents d’une époque de transition mais aussi d’innovation. Et, d’Evenepoel ou Ensor, de Rops ou Rassenfosse, de Khnopff à Steinlen, à De Groux, à Breitner, la manne pousse le visiteur à y regarder de près.
Publié le 07-03-2019 à 09h31 - Mis à jour le 07-03-2019 à 09h32
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"La naissance de l’idée" et ses répercussions sur un art en marche. 29 artistes au programme de cette louable incursion dans l’art de nos provinces à une époque où tout bouge. Politiquement, économiquement, socialement, l’art n’étant point à la traîne, peu ou prou influencé par les audaces des artistes français ou installés en France.
En provenance d’une collection privée jalouse de son anonymat, la moisson aux cimaises de la rue Hanssens a de quoi séduire les amateurs fervents d’une époque de transition mais aussi d’innovation. Et, d’Evenepoel ou Ensor, de Rops ou Rassenfosse, de Khnopff à Steinlen, à De Groux, à Breitner, la manne pousse le visiteur à y regarder de près.
Si les Belges sont légion dans ce groupe alléchant, des Européens en font aussi partie en raison de leurs accointances, proches ou plus lointaines, avec nos artistes à la pointe du progrès.
À signaler d’emblée : l’admirable manière du collectionneur de préserver son bien, ne rechignant ni aux recherches approfondies sur les artistes et leurs œuvres, ni à une sélection pointue, ni enfin aux restaurations qui s’imposent.
Des encadrements simples pour l’époque confèrent, en outre, à l’ensemble son harmonie, sa lisibilité.
Félicien Rops, tête de pont
Félicien Rops (1833-1898) fut à la base de la reconnaissance du rôle essentiel de l’image. Illustrateur attitré de nombreux écrivains parisiens, il agit en diffuseur de l’œuvre d’art dans tous les milieux sociaux et, à la fin de sa vie, engagea l’image à devenir un support autonome.
On lui doit cet avis tranché : "Quand on est peintre, on fait une seule œuvre à la fois. Quand on est graveur, on est diffusé largement." Son grand rival à l’époque n’était autre que Fernand Khnopff (1858-1921) et ils eurent à se partager l’illustration d’ouvrages importants.
70 œuvres balisent une exploration des différentes techniques de l’art gravé, héliogravure, lithographie en couleur, vernis mou, cliché sur verre, reproduction mécanique notamment.
En sachant que Rops souffre de trop de fausses gravures, déjà réalisées de son temps, la perspicacité s’impose et huit beaux exemples d’un talent qui séduisit tant son ami Baudelaire, sont d’une partie qui, de son Pornocrates aux Adieux d’Auteuil et à un dessin au crayon tout en finesse, Le plus bel amour de Don Juan, confirme sa prescience de l’image qui fait mouche.
Quand un Xavier Mellery (1845-1921) peine à comprendre l’enjeu de la gravure, un vernis mou de Khnopff, Istar (Paris, 1888) témoigne de la subtilité des nuances que peut offrir cette technique de reproduction.
Une aquarelle de la préraphaélite Constance Phillott (1842-1931), Loin des pensées, 1884, arrête le regard. Il en va de même de six esquisses préparatoires de Georges Lemmen (1865-1916) pour sa Fête foraine, sorte de manifeste néo-impressionniste au crayon et très éloigné de ce que l’on connaît surtout de Lemmen.
Si James Ensor a réalisé quelques gravures recherchées de nos jours, ce ne fut pas par goût de la technique de l’eau-forte qu’il abhorrait. Il l’a fait pour être dans l’esprit du temps.
Signalons enfin les participations de Willy Finch, de Toorop, de von Stuck, de Watts. Une exposition qui se mérite et donne des ailes aux dessins et gravures d’antan.Roger Pierre Turine

Œuvres sur papier de 1880 à 1910 - La naissance de l’idée Art de XIXe Où Association du Patrimoine artistique, 7, rue Charles Hanssens, 1000 Bruxelles. www.associationdupatrimoineartistique.be Quand Jusqu’au 30 mars, les jeudis, vendredis, samedis, de 14 à 18h.
--> Catalogue, 80 pages illustrées, texte de Constantin Ekonomides.