Quand l’art en interne abolit ses frontières
Publié le 18-03-2019 à 15h56 - Mis à jour le 18-03-2019 à 15h57
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Vaste exposition des œuvres récentes en résine de polyuréthane multicolore en un solo de Gaetano Pesce. Au tournant des années soixante, le design a le vent en poupe et l’Italie se positionne en première ligne portée notamment par le succès retrouvé de la Triennale de Milan qui a repris ses activités dès 1946, et impose ses nouveautés. Tous les domaines sont impactés, de l’ameublement à l’objet décoratif, de la voiture et la fameuse Vespa aux ustensiles de cuisine, jusqu’aux jouets. Rien n’échappe aux créateurs et le plastique règne en maître presque absolu, souple ou rigide selon les besoins. Ce design industriel de grande diffusion est destiné à modifier les espaces de vie en y introduisant avant tout la notion de modernité qui se manifeste aussi sur le plan architectural. Le monde a changé, les comportements et les goûts suivent. Les matériaux utilisés permettent une intense production industrielle. Néanmoins, dès le début de la décennie quelques créateurs prennent les rênes d’une certaine avant-garde qui se distancie de cette production de masse. Parmi eux, un jeune architecte se fait remarquer en tant que designer par une œuvre plus audacieuse : Gaetano Pesce.
Au début du siècle passé, en 1919, un architecte, Walter Gropius crée en Allemagne une école d’art qui prône une mise à plat des hiérarchies portant sur l’art et l’artisanat, sur l’œuvre d’art, l’objet, le fonctionnel, l’utilitaire, la sculpture, l’architecture. Une vraie révolution. D’un côté comme de l’autre, en considérant le design italien et en prenant en référence les principes du Bauhaus, les deux sources vont inciter Gaetano Pesce à innover en la matière et à repousser les limites. Au lendemain de 1968, sa référence personnelle ne sera pas l’objet mais la personne à qui il est destiné. Le modèle à satisfaire, c’est le corps humain et particulièrement dans sa conception, celui de la femme. Le design des fauteuils doit pouvoir l’épouser. C’est sa manière à lui de libérer la femme de ses contraintes. Son option n’est pas seulement artistique, elle est sociale, humaine et même politique. Le fauteuil Up5 de 1969 pose le designer en tête d’affiche.
Assimiler la peinture
Sa seconde innovation, celle célébrée dans l’exposition, est le recours, à partir de 1983 à la résine colorée. À la manière d’un peintre, et c’est là une idée et un geste résolument novateurs, il introduit les couleurs dans la matière de ses réalisations. Par cette pratique, il réalise le rêve du Bauhaus en fusionnant littéralement peinture, sculpture et design. Chaque objet devient œuvre totale, peu importe qu’elle soit ou pas fonctionnelle. L’un des grands mérites de la présente exposition est précisément de réunir des œuvres parfaitement emblématiques d’une démarche qui abolit les frontières de l’art, efface les classements et les distinctions. Le meuble de rangement ou de bibliothèque, une étagère en hommage à Mantegna, une autre dédiée à Palladio, le tableau célébrant la féminité, la table qui s’inspire des réalités vénitiennes et même les vases qui accueillent des bouquets splendides (d’authentiques créations), constituent un tout harmonieux qui modifie l’espace et l’ambiance de vie. Le second atout de cette matière colorée, est aussi celui utilisé par le peintre qui compose avec la lumière. La translucidité du matériau inocule aux objets comme un germe de vie qui plus est ne cesse de varier au gré des influences extérieures. En agissant de la sorte, Gaetano Pesce est aussi un humaniste et un homme de culture.

Gaetano Pesce - Je suis content d’être ici Art contemporain Où Galerie Nathalie Obadia, 8 rue Charles Decoster, 1050 Bruxelles. www.nathalieobadia.com Quand Jusqu’au 6 avril. Du mardi au samedi de 10h à 18h.