L’extraordinaire musée en rose des sables à Doha
Publié le 27-03-2019 à 08h23 - Mis à jour le 28-03-2019 à 12h18
A Doha, on inaugure ce mercredi le stupéfiant musée national en forme de rose des sables, de Jean Nouvel.
Le long de la grande baie de Doha, face aux gratte-ciel poussés en quelques années sur le sable, se déploie un nouveau et splendide musée qui rivalise d’emblée avec le Louvre d’Abu Dhabi. Ils ont pourtant le même architecte, mais Jean Nouvel, 73 ans, a réussi à concevoir pour ces deux émirats voisins, en lutte d’influence l’un contre l’autre, deux bâtiments iconiques, aussi différents et magnifiques l'un que l’autre. Une lutte qui s’avère non seulement politique mais aussi pour celui qui aura le plus beau musée du monde.
A Doha, le musée national a pris la forme d’une gigantesque rose des sables étalée le long de l’eau, sur 350 m. Jean Nouvel cherchait une forme emblématique pour un pays aux confins du désert et de la mer (les Qataris sont un peuple du désert et de pêcheurs).
Le musée de 52000 mètres carrés, est composé de 539 immenses « pétales » de béton couleur de sable, tous de tailles différentes, assemblées et imbriquées, comme au hasard. Ils ne sont pas rajoutés à la structure mais constituent le bâtiment lui-même. Rien n’y est vraiment à angle droit et tout est oblique. Il n’aurait pas pu être construit sans les puissants ordinateurs actuels.
« La rose des sables est une architecture miniature créée par le désert, les vents, l’air marin, explique l’architecte. La cristallisation millénaire, les grands cristaux formés par l’évaporation de l’eau sous l’action du vent, donne ces lames inclinées dans tous les sens ». C’est un énorme défi technique, souligne-t-il, avec « ses grands disques incurvés, ses intersections, ses éléments en porte-à-faux. »

La Cheika
L’emplacement du musée est symbolique car il se trouve sur l’ancien palais royal restauré de Sheikh Abdullah Bin Jassim Al Thani, le fondateur du Qatar.
Le parcours s’organise en trois sections (les débuts, la vie au Qatar, construire une nation) et onze galeries, sur 2,7 km. Il faut deux heures par visiter le musée qui raconte l’histoire du Qatar depuis 700000 ans avant Jésus-Christ jusqu’aujourd’hui.
On y trouve tout aussi bien des tentes, selles, vaisselles du désert, outils de pêcheurs et filets que de grandes oeuvres patrimoniales comme le tapis de 1,5 millions de perles du golfe persique commandé en 1865 par le maharadjah de Baroda et le plus vieil exemplaire du Coran découvert au Qatar.
Le long du musée, on découvre un lagon de 900 m de long avec 114 fontaines contemporaines dessinées par Jean-Michel Othoniel et dont les jets rappellent les formes fluides de la calligraphie arabe. Jean Nouvel parle encore de son musée comme d’un« caravansérail moderne. D’ici, vous partez et revenez du désert. »
Le musée intègre aussi l’époque actuelle et les fastueuses collections d’art du Qatar réunies par Cheika Al-Mayasaa. La Cheika est la sœur du jeune Emir actuel. A 36 ans, elle règne sur l’organisation Qatar Museums. En 2013, Art Review de Londres l’avait classée en tête de la liste des cent personnalités les plus puissantes au monde dans l’art contemporain. Elle a fait ses étudesà la Duke University aux Etats-Unis et à la Sorbonne à Paris. Souriante, à l’aise, polyglotte, mère de quatre enfants, c’est elle qui a acheté à tour de bras sur le marché de l’art à des prix record. On disait en 2013 (mais le Qatar jamais ne confirme ni ne dément), qu’elle avait alors un budget annuel d’achats d’un milliard de dollars. Depuis la dégringolade du prix du pétrole en 2014, son budget a été nettement diminué.
Elle a acheté Damien Hirst, Rothko, Warhol, Bacon, etc. C’est elle qui s’est adjugé Les joueurs de cartes de Cézanne en 2012 pour 250 millions de dollars et le Gauguin, record mondial pour un tableau, When will you marry ? pour 300 millions de dollars. Son objectif : faire du Qatar une destination culturelle importante, asseoir le "soft power" du pays pour l’après-pétrole
Avec ce nouveau musée, l’offre culturelle de Doha s’étoffe encore. On trouve tout près du musée de Jean Nouvel, et donnant aussi sur la baie, le magnifique musée d’art islamique de Pei.
Rem Koolhaas a construit une stupéfiante bibliothèque, un espace unique de 42000 mètres carrés, un carré de près de 200 m de côtéentourés de quatre larges baies vitrées en forme de losange et dont les quatre « coins » se relèvent pour aboutir à ce que le plancher et le toit viennent se toucher, comme pincés par des géants. On entre par le centre et on se retrouve au milieu d’un paysage infini de livres. Un million d’ouvrages présentés tout autour, sur les quatre coins relevés, sur du marbre blanc, tous les livres visibles, alignés sur des étagères, dont les manuscrits islamo-arabes précieux. Elle se trouve dans le quartier « éducation » dans les faubourgs de la ville. A côté, Isosaki a construit un centre de congrès en forme de forêt avec, dedans, une araignée géante de Louise Bourgeois. Cotécontemporain, il y a aussi le très riche musée Mathaf avec 9000 œuvres d’art moderne et contemporain.