Créatures mystérieuses, insectes mutants, champignons géants

Critique>Guy Duplat
Créatures mystérieuses, insectes mutants, champignons géants
©Yoshikazu Inoue

Le chorégraphe franco-belge Damien Jalet avait co-signé avec Sidi Larbi Cherkaoui, le formidable spectacle Babel. Depuis, il sillonne aussi le monde et y cherche les danses et rites d’ailleurs, les mouvements venus du fond des âges. Il est fasciné par le Japon et y avait découvert le plasticien Kohei Nawa après avoir vu une de ses oeuvres à la Triennale d’art d’Aichi en 2013.

Nous y avions vu alors la même oeuvre, de fait magnifique. Sur tout un étage d’un ancien bâtiment industriel de Nagoya, il avait créé un paysage sans cesse mouvant et fragile mais beau et plein d’espoir quand même : des collines, des montagnes, des vallées de mousse d’eau blanche qui ne cessaient de croître, de monter à deux, trois mètres de hauteur. Les visiteurs semblaient bien petits dans ce paysage d’icebergs de mousse, d’un blanc éclatant dans l’obscurité de l’étage.

Les deux artistes ont alors collaboré en 2015 lors d’un résidence à Kyoto pour créer Vessel une forme neuve, hybride, entre danse et sculpture. Ce spectacle entamait mardi et mercredi une tournée européenne par la Monnaie à Bruxelles.

Une île

Tout commence dans le noir d’où émerge lentement un île gazeuse et bleutée, surgissant au milieu d’une nappe d’eau noire. Les corps emmêlés de sept danseurs (six Japonais et un Grec) sont immobiles, formant des rochers de chair, puis ils se mettent à bouger, des jambes jaillissent, des figures symétriques comme des Rorschach apparaissent, créatures mystérieuses, insectes mutants, champignons géants, univers de science-fiction.

Jamais on ne verra les têtes des danseurs, seuls les corps se montrent, se mêlent et se démêlent dans des accouplements archaïques, au milieu d’un paysage de l’inconscient.

En voyant ces corps hybrides et étranges, on pense -Damien Jalet les cite- aux Jomon dogu, ces figurines vieilles de 15000 ans, retrouvées au Japon, comme sculptées par des artistes drogués.

Si le travail du scénographe, du chorégraphe et la performance physique des danseurs sont très impressionnants, l’émotion, au-delà de la surprise initiale, n’arrive cependant jamais à émerger et Vessel s’avère plus formel et froid qu’incarné.

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