Une étole de fourrure vouée à tous les fantasmes

Une étole de fourrure vouée à tous les fantasmes
©Marianne Grimont

Éuisé, nerveux, contrarié, le metteur en scène Thomas Novachek arpente son studio en pestant au téléphone  : “Il n’y a aucune femme comme ça, je te dis  ! […] Belle, jeune et sexy  ! […] Tout ce que j’ai vu aujourd’hui, ce sont 35 mauvaises comédiennes  ! […]”

Éclair. Coup de tonnerre. Déboule, trempée, une jeune femme, talons aiguilles et bas résille sous mini-jupe et corset de cuir. “Putain  ! Merde  ! […] J’arrive trop tard  ! […] J’ai pas de pot, comme d’hab  !” Thomas Novachek vient en effet d’achever la journée d’auditions pour le rôle de la Vénus dans la nouvelle pièce qu’il met en scène, adaptée du roman érotique La Vénus à la fourrure de Léopold von Sacher-Masoch (dont le nom a donné “masochisme”).

Fougueuse et sotte mais belle et effrontée, Wanda Jordan parvient à le convaincre de lui donner la réplique pour un essai. Il espère ainsi se “débarrasser” d’elle vite fait bien fait, mais c’est que la demoiselle, étole de fourrure autour de ses épaules pour le rôle , a du bagou et du talent…

Un huis clos passionnel

Écrite par le dramaturge Américain David Ivès en 2010, la pièce La Vénus à la fourrure a été un immense succès à Broadway, avant de tourner dans le monde entier et d’être adaptée au cinéma en 2013 par Roman Polanski. Dans la foulée, la pièce a été montée à Paris par Jérémie Lippmann, avec Nicolas Briançon et Marie Gillain, récompensée par le Molière de la meilleure comédienne en 2015.

Sur les planches du Théâtre Le Public, La Vénus à la fourrure (traduction de Anne-Elisabeth Blateau) se retrouve cette fois entre les mains du metteur en scène Alain Leempoel, qui réunit pour ce huis clos passionnel Fabrizio Rongione et Erika Sainte. Un choix judicieux, car les deux acteurs excellent, formant un couple électrique et électrisé par le désir. Complices, ils interprètent à merveille ce jeu du chat et de la souris, du dominé et de la dominante, dans une tension psychologique et charnelle qui monte en puissance au fil de la pièce et de sa mise en abîme. Et ce, grâce à une scénographie lumineuse, signée Noémie Vanhest, qui exploite avec justesse l’espace de la salle des voûtes du Public – tout en longueur – et glisse, à point nommé, un changement d’éclairage, un coup de tonnerre, un appel téléphonique,…

Érotique, La Vénus à la fourrure ne constitue en rien un déballage sado-maso de nudité ou de propos vulgaires et obscènes. Au contraire  ! Le texte de David Ivès se joue dans la suggestion davantage que dans la démonstration, avec, au passage, quelques flèches bien décochées sur la condition des femmes et le sexisme. À mesure que l’histoire évolue, les rôles s’entremêlent – Thomas et Wanda jouent leur personnage puis reviennent à la situation de départ –, se diluent entre rêve et réalité puis s’inversent, déroutant habilement le spectateur. Avec, en filigrane, une énigme  : qui est Wanda, cette Vénus débarquée de nulle part  ? Une comédienne écervelée prête à tout  ? Une habile manipulatrice  ? Ou le fruit des fantasmes masochistes de Thomas  ?….

Bruxelles, Le Public, jusqu’au 27 avril. Infos et rés. au 0800.944.44 ou sur www.theatrelepublic.be

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